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expérimenté, Baugy. Celui-ci suivait, avec un intérêt très intelligent, la grosse affaire qui s’ouvrirait à la mort de l’empereur Mathias qui n’avait pas d’enfans : la question de la succession aux trônes de Hongrie, de Bohème et l’éventualité de l’élection à l’Empire. Deux archiducs, Maximilien et Ferdinand, étaient rivaux. Le premier paraissait plutôt soutenu par les Espagnols ; Richelieu, tout en protestant du « respect religieux avec lequel le roi entretient l’alliance qu’il a avec l’Espagne », avait pris parti pour le second, et il écrivait à Schomberg : « Vous vous conduirez dans cette affaire secrètement et avec dextérité et en sorte, s’il y a moyen, comme je n’en doute pas, que vous rompiez les desseins des Espagnols et veniez à bout de ce que je souhaite pour le bien de la chrétienté. » Cette politique devait réussir pour des raisons que l’ambassadeur analyse avec soin dans sa correspondance. Les Espagnols eux-mêmes renoncèrent à leurs prétentions sur le royaume de Hongrie et de Bohème, et Baugy l’annonça par une dépêche du 5 mai, qui devait être ouverte par le remplaçant de l’évêque de Luçon. Ce succès de la politique française eut, d’ailleurs, peu de suite. Car Ferdinand, élu roi de Bohème, en juin 1617, puis porté à la couronne impériale, retomba sous la coupe de ses premiers maîtres, les jésuites, et s’appuya exclusivement sur la maison d’Espagne.


Mais le nœud de la politique de l’évêque de Luçon était, comme nous l’avons vu, dans les affaires d’Italie. Ici, il avait subi un échec complet.

A la fin de l’année 1616, les situations respectives étaient les suivantes : l’Espagne menaçait la Savoie ; Lesdiguières avait passé les Alpes pour venir au secours du duc Charles-Emmanuel ; Venise était en guerre avec l’archiduc Ferdinand. Battue, elle avait besoin de secours immédiat et prétendait se servir des défilés des Grisons pour faire passer les renforts que ses recruteurs enrôlaient en Suisse ; mais elle ne pouvait le faire sans l’autorisation de la France.

Aussitôt que l’évêque de Luçon a remplacé Mangot, les ambassadeurs s’adressent à lui et le supplient de prendre parti. Ils sollicitent, en même temps, une audience de la reine et exposent à celle-ci toutes les raisons favorables à l’alliance de la République avec les Grisons : « La reine nous écoute attentivement, montrant sur son visage qu’elle étoit satisfaite de ce qu’avoient fait Vos Seigneuries, et, se tournant vers l’évêque de Luçon, elle lui dit : « Vous avez entendu ce qu’ils demandent ; faites une dépêche immédiatement pour recommander à Gueffier que, puisque la République veut faire son traité d’alliance avec les articles