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V

Il était moins heureux au dehors. Dans la politique extérieure, les résultats sont toujours plus lents ; les intérêts adverses, plus sûrs d’eux-mêmes, se défendent mieux. Les missions envoyées par Luçon en Europe avaient abouti à des résultats divers, mais, en somme, assez peu satisfaisans. C’est en Angleterre peut-être que l’accueil avait été le plus favorable. Le roi Jacques affectait, depuis la mort de Henri IV, une mauvaise humeur que son pédantisme rendait plus insupportable encore. Il grondait sans cesse contre les mariages espagnols, excitait sous-main les protestans, se tenait en relations constantes avec leurs chefs et ne cessait de se dire leur protecteur. En agissant ainsi, le roi Jacques poursuivait un dessein arrêté. S’inspirant des traditions de la politique anglaise, il prétendait tenir la balance entre les deux partis qui divisaient l’Europe, et reprendre, grâce aux querelles intestines des puissances continentales, l’autorité internationale qu’Elisabeth avait exercée et que Henri IV lui avait ravie : « L’Angleterre, disait, dès le XVIIe siècle, le comte de Salisbury, est comme une demoiselle à laquelle deux prétend ans font la cour. Si elle cédait à l’un, elle encourrait la haine de l’autre. » Luçon avait, sans peine, découvert ces vues. Il avait déclaré nettement à l’ambassadeur d’Angleterre « qu’il entendoit que le roi Jacques ne fît pas en France ce qu’il ne souffriroit pas que le roi de France fit en Angleterre, c’est-à-dire appuyer et soutenir des sujets révoltés ».

Le baron du Tour, que le roi d’Angleterre « aimoit très particulièrement pour avoir été ambassadeur près de lui lorsqu’il étoit roi d’Écosse », sut dire les mêmes choses sur un ton plus doux et « lui insinuer dextrement en l’esprit que la confiance que le roi de France avoit en son amitié et alliance étoit telle qu’il espéroit que, bien loin de protéger des sujets rebelles contre leur souverain, le roi, au contraire, aideroit au besoin, par les armes, à les faire rentrer dans l’obéissance. » Moitié fermeté, moitié caresse, Jacques avait paru se laisser convaincre, et le 27 mars 1617, Luçon pouvait écrire au duc de Guise « qu’il avoit de fort bonnes nouvelles d’Angleterre, et que le roi Jacques avoit assuré à M. le baron du Tour que, quoiqu’on dise qu’il assistoit couvertement ces messieurs les princes, il ne le feroit jamais. » En Hollande, l’envoyé de Richelieu rencontra de plus sérieuses difficultés. Les États entretenaient avec la cour de France une alliance ombrageuse, toujours inquiète des relations de cette cour avec FEspagne. L’accomplissement des mariages leur avait été,