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elle a fait trois traités pour donner et conserver la paix à son peuple ? Après avoir vu les sommes immenses avec lesquelles elle l’a rachetée plusieurs fois, après avoir vu l’excessive clémence dont elle a usé envers ceux qui l’ont troublée. Qui ne voit enfin que le seul moyen qui reste maintenant à Sa Majesté pour empêcher les rébellions trop fréquentes en son État est de punir sévèrement ceux qui en sont les auteurs et reconnaître ses fidèles sujets qui demeurent en l’obéissance qu’ils lui doivent ?… Si la douceur dont Sa Majesté a usé jusques à cette heure ne fait autre chose que les endurcir, si l’oubliance de leurs fautes ne sert qu’à leur faire oublier leur devoir, si ses bienfaits n’ont eu d’autres effets que de les rendre plus puissans à mal faire, et que leur ingratitude soit la seule reconnaissance dont ils les payent ; si les menaces portées sur ses déclarations sont inutiles pour les contenir, si enfin ils ne peuvent être ramenés à leur devoir par aucune considération, et que, d’ailleurs, ils continuent ã faire paraître par leurs actions qu’ils n’ont autre dessein que d’abattre l’autorité de Sa Majesté, démembrer et dissiper son État, se cantonner en son royaume pour, au lieu de la puissance légitime, introduire autant de tyrannies qu’il contient de provinces… en ce cas, Sa Majesté, touchée des sentimens d’un vrai père, animée du courage d’un grand roi, sera contrainte, quoique à regret, de châtier ces perturbateurs de son État et punir leur rébellion. »

Des paroles, on passe immédiatement aux actes. Au moment où la déclaration paraissait, trois armées étaient mises sur pied avec ordre de marcher sur les provinces soulevées et de les ramener, par la force, dans l’obéissance du roi. Cette partie de la tâche que s’était imposée le nouveau ministre de la guerre n’était ni la moins absorbante, ni la moins difficile. Il fallait tout créer. Luçon déploie une activité sans bornes, faisant beaucoup par lui-même, sollicitant de vive voix et par écrit la fidélité des grands, s’adressant à de simples gentilshommes, secouant la nonchalance des uns, entretenant les espérances des autres, flattant les amours propres, calmant les susceptibilités, arrangeant les conflits. Il envoie dans les provinces des hommes qui sont les avant-coureurs de ses futurs intendans et qui ont charge de veiller aux enrôlement, aux approvisionnemens, à l’argent, à la discipline militaire.

Bentivoglio, qui va le voir, le 14 février, le trouve dans le feu du travail et plein de confiance. « Il est très ardent pour la guerre ; il la juge nécessaire si le roi veut être roi. Il a parlé en termes violens des princes, disant qu’il falloit les attaquer vigoureusement et que la guerre seroit aussitôt finie que commencée. Il m’a dit que, d’ici à huit ou dix jours, le roi partira pour Reims