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que cet artiste a publiés sous le titre Raccolta d’antiche statue nous disent combien de statues ont passé par ses mains. Le prince électeur Auguste de Saxe achetait la collection Chigi. En trois transports successifs, toutes les richesses de la villa Médicis étaient portées à Florence : les Niobides, la Vénus de Médicis, le Remouleur, les Lutteurs, etc. Tanucci, le ministre de Ferdinand IV de Naples, ne voulait pas être moins zélé que le grand-duc de Toscane, et il ordonnait l’enlèvement des marbres qui depuis si longtemps décoraient le palais Farnèse, propriété des rois de Naples. Les Romains voyaient avec stupeur la Flore colossale, l’Hercule et l’énorme groupe du Taureau Farnèse s’acheminer vers Naples (1787). L’Hercule Farnèse avait été trouvé au cours des fouilles entreprises par Paul III dans les Thermes de Caracalla : la tête et les jambes manquaient. On lui adapta une tête antique trouvée au Transtevere, et Guillaume della Porta lui fit des jambes ; cependant, peu après, au même lieu des Thermes de Caracalla, sortait de terre la vraie tête aussitôt remise à sa place et apparemment fort authentique ; on retrouvait aussi les jambes, mais celles de della Porta semblaient aller si bien qu’on les laissa ; ce ne fut que lors du transporta Naples que le sculpteur Abbacini substitua les jambes antiques aux modernes. Ces dernières sont restées à Rome au palais Farnèse, où on les voit dans le salon d’Hercule posées en bas de la reproduction en plâtre de la statue.


II

Un des derniers venus, mais non des moins ardens dans ses convoitises artistiques, fut le roi Gustave III. C’est à lui que la Suède est redevable de n’être pas privée aujourd’hui de ces musées et galeries d’œuvres d’art qui sont l’honneur des nations modernes. Avant lui, il est vrai, Gustave-Adolphe avait réuni dans sa lointaine capitale un grand nombre de beaux ouvrages de la renaissance italienne, enlevés par les armées suédoises pendant la guerre de Trente ans à la capitale de la Bohême, où Rodolphe II avait voulu créer, disait-il, une nouvelle Athènes. La reine Christine y avait ajouté les objets d’art achetés par elle d’abord lors de la vente de la galerie de Charles Ier d’Angleterre, puis de celle de la galerie de Mazarin. Mais ces trésors avaient quitté la Suède après l’abdication de la reine et s’étaient dispersés après sa mort. Au souvenir de ce passé se joignaient pour Gustave III les suggestions d’une éducation qui avait formé son goût personnel : le comte Charles-Gustave Tessin, qui avait été son