La ronce âpre, l’ortie, et les sombres fontaines
Et la cendre des jours qui coule des mains vaines
Et le manteau qui fait ployer l’épaule lourde.
Brise l’épieu d’épine et romps aussi la gourde,
Ou, plutôt, revenu de l’ombre où d’autres vont,
Donne-leur, à leur tour, la gourde et le bâton,
Et salue à jamais ceux qui passent là-bas
Et qui retrouveront la trace de tes pas
Sur le gravier du fleuve et le sable des grèves,
Et que la nuit pour eux en étoiles s’achève
Mystérieuse sur la plaine et sur la mer !
Car c’est déjà le soir, hélas ! Quoiqu’il soit clair
Encore, et tiède encor d’un peu de crépuscule,
Et dis adieu du seuil au voyageur crédule
Qui, sans craindre le vont, et l’ombre, et le caillou
Part à l’heure équivoque où pleure le hibou.
L’âpre bise nous glace et la neige nous gerce,
Notre face ruisselle en larmes sous l’averse,
Car l’automne et l’hiver sont durs au mendiant
Qu’on voit errer sur les routes, apitoyant
En vain celui qui passe et qui hausse l’épaule !
L’hirondelle au vol vif de son aile nous frôle ;
Le chien aboie et mord la loque et le jarret ;
On a peur de nous rencontrer dans la forêt ;
Et cependant nous sommes doux d’avoir souvent
Écouté dans les vieux roseaux pleurer le vent,
Et d’avoir vu, hélas ! sur le mont et le bois
Tant d’aurores, hélas ! se lever tant de fois,
Et tant de lourds soleils s’abîmer dans la mer…
La ronce du chemin est dure à notre chair ;
Jamais pour nous, jamais la pierre acariâtre
Ne voulut être seuil, ne voulut se faire âtre ;
Car la flamme est de l’or, et nous, nous sommes nus.
De tous les malveillans nous sommes malvenus,
Le loquet est rétif et la porte est fermée ;
Et toi, Ville opulente, amoureuse, embaumée,
Qui l’ouvres pour la courtisane et l’astrologue,
Tu gardes clos ton mur, et ta poterne, est rogue