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Et brisez le cristal qui vous a reflétées
Riantes, dans son eau, lointaines et nattées ;
Et, deux à deux, sortez dans la nuit qui s’étoile…
Puis, si le vent tout bas chuchote dans vos voiles,
En silence marchez par la blancheur des rues
En portant, tour à tour, sur vos épaules nues
L’idole aux yeux de jaspe vert qu’une fois l’an
Vous promenez autour de la ville, à pas lents,
Dans le sommeil en fleurs de la campagne calme.
Buvez à la fontaine où vous cueillez la palme ;
Mais quand vous reviendrez dans l’ombre, gardez bien, —
Prêtresses qui veillez aux cailloux du chemin, —
De heurter, ne vous courbant pas à son approche,
La Déesse de pierre au cintre de mon porche.


POUR LA PORTE DES ASTROLOGUES


Si tu veux consulter le Destin, pars dès l’aube ;
Cache sous ton manteau et cache sous ta robe
Devin, un hibou noir, Sibylle, un hibou blanc ;
Et tous les deux, un jour impair, d’un pas plus lent,
Sortez après avoir craché sur un crapaud ;
Jetez des feuilles d’ache et des feuilles d’ormeau,
Toi, dans la source vive, et toi, dans la fontaine.
Nul présage n’est vain, nulle preuve n’est vaine :
On devine déjà la rose à l’églantier ;
Le lièvre qui, d’un saut, traverse le sentier,
La corneille qui jase et l’étourneau qui vole,
Le trèfle à quatre brins éclos dans l’herbe molle,
Sont des signes plus sûrs, où vous connaîtrez mieux
L’avenir embusqué, propice ou soucieux,
Au détour de la vie et au coin de la route,
Que si, dans le ciel clair au-delà de ma voûte,
Assis, toi sur la borne et toi debout au seuil,
Vous épiiez, pour y prévoir bonheur ou deuil,
Destin prompt, sort aventureux, fortunes lentes,
La pluie au ciel d’été des étoiles filantes.


POUR LA PORTE DES MARCHANDS


Sois béni, noir portail, qu’entrant nous saluâmes !
Les coffres durs pesaient à l’échine des ânes ;