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Ou, aigre, dans l’air clair, y chevrote, et après
Que venant du pacage ou venant du guéret,
La horde agreste, lourde, obèse et bestiale
A passé, sabot dur ou talon qui se tale,
Mufle qui mâche, groin qui lappe, dent qui mange,
Une senteur d’étable ou des odeurs de grange,
De tout ce qui passa végétal et vivant,
Durent dans le matin clair et pur où le vent
Fait, entre les clous d’or de mes battans de chêne,
Trembler des brins de paille ou des flocons de laine.


POUR LA PORTE DES GUERRIERS


Porte haute ! ne crains point l’ombre, laisse ouvert
Ton battant d’airain dur et ton battant de fer !
On a jeté tes clefs au fond de la citerne :
Sois maudite à jamais si la peur te referme ;
Et coupe, comme au fil d’un double couperet,
Le poing de toute main qui te refermerait.
Car, sous ta voûte sombre où résonnaient leurs pas,
Des hommes ont passé qui ne reculent pas ;
Et la Victoire prompte et haletante encor
Marchait au milieu d’eux, nue en ses ailes d’or,
Et les guidait du geste calme de son glaive ;
Et son ardent baiser en pourpre sur leur lèvre
Saignait, et les clairons aux roses de leurs bouches
Vibraient, rumeur de cuivre et d’abeilles farouches !
Ivre essaim de la guerre aux ruches des armures,
Allez cueillir la mort sur la fleur des chairs mûres,
Et si vous revenez vers la ville natale,
Qu’on suive sur mon seuil au marbre de ses dalles,
Quand ils auront passé. Victoire, sous tes ailes,
La marque d’un sang clair à leurs rouges semelles !


POUR LA PORTE DES PRÊTRESSES


Prêtresses ! relevez au-dessus des genoux
Vos robes d’argent clair, que le soir rose et doux
Nuance du reflet de sa plus tiède lune ;
Ceignez vos fronts ; lavez vos mains ; prenez vos urnes
Pleines d’abeilles d’or et de papillons noirs ;
Nouez vos tresses en riant dans le miroir