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Dans la Haute-Italie, les affaires ne tardent pas non plus à se gâter politiquement et militairement. Dès que Radetsky eut évacué Milan, les sectaires de la jeune Italie y accouraient, rejoints par leur chef Mazzini. Ils trouvèrent le gouvernement, l’influence, aux mains des hommes du parti constitutionnel qui jugeaient l’indépendance et le salut attachés à l’union avec Charles-Albert. N’espérant pas obtenir la république, ils avaient essayé de différer la monarchie et proposé une trêve dilatoire. « Nous ne parlerons pas de république, avaient-ils dit, nous contribuerons de notre mieux au succès de la cause nationale, quoiqu’elle soit représentée par le bourreau de nos meilleurs amis, pourvu que vous différiez, jusqu’à la fin de la guerre de l’indépendance, d’établir le régime sous lequel l’Italie affranchie de l’étranger devra être régie. Alors, la nation consultée prononcera, et nous accepterons sa décision. » Ce programme de neutralité entre la république et la monarchie parut une faiblesse, une cause de tiraillement. Le gouvernement provisoire y répondit-en proposant au peuple lombard (12 mai) de voter la fusion immédiate avec le Piémont. Une immense majorité se prononça pour l’affirmative (29 mai) ; Venise, quoique régie par un républicain, prit le même parti (5 juillet). Mazzini et ses amis, très mécontens, protestèrent, et tout en déclarant qu’ils ne résisteraient pas, parce que la résistance serait un commencement de guerre civile et que la guerre civile, coupable toujours, le serait doublement au jour de l’invasion étrangère, ils commencèrent une opposition sourde qui fut loin d’accroître l’élan général.

Les affaires militaires n’étaient pas en meilleur train. La campagne avait débuté par des succès à Goïto et à Peschiera. Les espérances furent telles alors que, l’Autriche ayant proposé par Hummelaër l’abandon de la Lombardie et l’autonomie de la Vénétie sous un archiduc, la concession fut repoussée. Mais l’armée piémontaise n’avait pas la force d’une longue résistance. Sa discipline était affaiblie par les affidés des cercles républicains de Milan, qui venaient déclamer dans ses rangs contre la guerre royale ; les paysans ne lui fournissaient pas même des chariots pour recevoir ses blessés ; Charles-Albert se montrait un pauvre général, et comme tel recourait toujours aux conseils de guerre. Dans un de ces conseils où on ne parvenait pas à se décider, le roi sortit vivement. La Marmora a la curiosité de regarder par la serrure de la porte qui venait de se refermer ; il le voit à genoux, les yeux en haut, invoquant l’inspiration divine. La disproportion des forces s’accrut par les renforts envoyés à Radetsky, par la retraite des Napolitains et des Romains, refroidis depuis que l’annexion de la Lombardie avait donné à l’entreprise le caractère