française, disait orgueilleusement le ministre Pareto à la Chambre, n’entrera que si nous l’appelons, et comme nous ne l’appellerons pas, elle n’entrera pas (12 mai). » « La France, écrivait Cavour, sait hautement comprendre et respecter la cause de la liberté et de l’indépendance italienne[1]. »
Notre peuple, ignorant les difficultés diplomatiques de son gouvernement, les méfiances anglaises et piémontaises, persuadé qu’on pouvait atteindre la Pologne en quelques enjambées, maugréait de notre immobilité. Est-ce que par hasard on allait recommencer 1830 ? Il prenait patience en chantant à tue-tête, dans les rues, le refrain du chansonnier plébéien, Pierre Dupont :
- Les peuples sont pour nous des frères,
- Les tyrans des ennemis.
- Aimons-nous et quand nous pouvons
- Nous unir pour boire à la ronde,
- Que le canon se taise ou gronde,
- Buvons à l’indépendance du monde.
Les journaux se défendaient d’avoir peur de l’unité germanique : « Tout ce qui fortifie et affermit la barrière qui sépare la France de la Russie, plaît à notre politique ; tout ce qui unit et consolide l’Allemagne devenue libérale consolide aussi la France, lui est utile et avantageux[2]. » Proudhon avait repris les thèses de Lamennais et de Lamartine sur la fraternité universelle : « Il n’y a plus qu’un peuple européen, en attendant qu’il n’y ait plus qu’un seul peuple sur tout le globe. Il faut rayer du Code les titres I et II concernant l’état civil des Français. Le droit de cité appartient à tout individu dans tous les pays civilisés où il se trouve. »
Lorsque les meneurs révolutionnaires voulurent jeter la foule sur l’Assemblée constituante, ils n’y réussirent pas en parlant d’un ministère du travail, mais dès qu’ils inscrivirent le mot de Pologne sur leurs enseignes séditieuses, on les suivit. Après l’invasion et la dispersion de l’Assemblée, Blanqui, le principal meneur, dit de sa voix dure et pénétrante : « Le peuple exige que l’Assemblée nationale décrète sans désemparer que la France ne mettra l’épée au fourreau que lorsque l’ancienne Pologne tout entière, la Pologne de 1792, sera reconstituée (16 mai 1848). »