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Lyon contre la Savoie, furent désavoués, contenus et dispersés.

Ce n’est qu’à l’égard de l’Italie que Lamartine eût voulu adopter une politique d’intervention armée. Dans une conversation privée, il dit à Mazzini de passage à Paris : « L’heure a sonné pour vous, j’en suis tellement convaincu que les premières paroles dont j’ai chargé mon envoyé ont été : « Saint Père, sachez que vous devez être président de la « république italienne. » Il répondit aux membres de l’association italienne de Paris, qui venaient lui faire leurs adieux : « Puisque la France et l’Italie ne font qu’un seul nom dans nos sentimens communs pour sa régénération libérale, allez dire à l’Italie qu’elle a des enfans aussi de ce côté des Alpes. Allez lui dire que, si elle était attaquée dans son âme, dans ses limites ou dans ses libertés, que si vos bras ne suffisaient pas à la défendre, ce ne sont plus des vœux seulement, c’est l’épée de la France que nous lui offririons pour la préserver de tout envahissement. Et ne vous inquiétez pas ! Ne vous humiliez pas de ce mot, citoyens de l’Italie libre ! Le temps a éclairé la France et lui a donné en raison, en sagesse, en modération, ce qu’elle eut autrefois en impatience de gloire et en soif de conquêtes. Nous ne voulons plus de conquêtes qu’avec vous et pour vous[1]… »

Pour être prêt à répondre à l’appel auquel il s’attendait, le gouvernement décida l’envoi d’une flotte devant Gênes, la formation d’une armée des Alpes de 60 000 hommes, et vota les crédits nécessaires à un effectif général de 532 000 hommes. Lamartine avait même pensé à envoyer un corps d’observation en Piémont, spontanément, sans attendre aucune demande du roi (11 avril).

L’annonce de ces intentions épouvanta Charles-Albert. Il craignait que notre drapeau ne lui apportât la République dans ses plis, n’encourageât la séparation de Gênes toujours mal disposée et ne secondât les menées mazziniennes en Lombardie. Bixio, notre chargé d’affaires à Turin, avertit Lamartine : « L’intervention de la France n’étant pas demandée serait considérée par tous les partis comme un acte d’insigne déloyauté. Elle produirait sans doute la guerre générale, et ferait certainement sur l’Italie l’effet qu’a produit sur l’Espagne la surprise de 1808 (15 avril) ; elle soulèverait dans tous les cœurs une haine implacable, une haine d’Italie (20 avril). » Il eût semblé que nous arrivions uniquement dans notre intérêt, pour donner satisfaction à notre esprit militaire, pour occuper la place que l’Autriche allait laisser vacante. Infatués par leurs phrases, les Italiens ne doutaient pas de leurs rapides victoires : l’Autriche n’était plus

  1. Mazzini, « Gli aiuti di Francia a quei giorni erano, per chi le avesse voluti, immancabili. » Cenni intorno l’insurrezione lombarda.