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qu’une question de guerre avait été posée, non par la France républicaine, mais par la dynastie déchue ; le danger suscité par cette ambition personnelle avait disparu avec elle.

Il fit plus : il encouragea par l’indifférence de son abstention une tentative anglaise de châtier nos amis d’Espagne. Palmerston, sans consulter ni le chef de son cabinet Russell, ni le conseil, expédia à Bulwer une dépêche qui, au mépris du respect dû à une puissance indépendante, contenait des critiques déplacées sur l’administration intérieure du gouvernement espagnol. Le ministère espagnol renvoya la dépêche offensante à Bulwer ; puis, un désaveu de Londres n’étant pas survenu, il renvoya Bulwer lui-même. À la nouvelle de cet affront, la consternation fut grande à la cour, dans le cabinet et dans le Parlement (24 mai 1848) ; Palmerston crut tenir sa vengeance : il réclama des représailles promptes et décisives. Mais les membres du conseil, qui n’avaient pas été consultés sur une démarche, à leur avis, déplorable, ne voulurent ni se rendre solidaires, ni persévérer. Bulwer désavoué fut envoyé en Amérique.

En Sicile Lamartine ne s’était pas montré moins complaisant. Païenne s’était soulevée à la veille même du 24 février. Le roi de Naples considérait comme un encouragement à la révolte la présence des navires de guerre anglais dans les eaux de Sicile, et demandait en confidence l’envoi de navires de guerre français, afin de contre-balancer l’influence de la flotte anglaise. Lamartine, au lieu d’accueillir la suggestion, ou du moins de la garder pour lui, s’était hâté d’en informer l’ambassadeur anglais à Paris.

Vis-à-vis de l’Allemagne, la politique de Lamartine avait été respect, sympathie, inviolabilité. Il ne négligeait pas non plus de rassurer la Russie. La République ne voulait pas commencer par des sacrifices humains ; elle ne voulait pas avoir une lâcheté ou un remords dans les fondemens de sa politique de paix avec le monde. Aussi déclarait-elle à voix haute que la première condition d’une alliance avec la Russie et de sa solidité était que la Pologne usurpée, opprimée, sans nationalité propre, sans indépendance civile, religieuse, ne s’élève pas entre elle et nous. Mais elle ne méditait pas une guerre contre les trois co-partageans de la nation démembrée, c’est des puissances elles-mêmes, solidaires et garantes des traités de 1815, qu’elle attendait, qu’elle sollicitait le retour au droit et à la justice.

En conséquence le gouvernement provisoire n’avait pas encouragé la révolte des Polonais et des Irlandais. Les rassemblemens que quelques démagogues organisèrent pour faire violence à sa sagesse, à la frontière belge, à Strasbourg contre Bade, à