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promit de rouvrir administrativement les portes de la France à l’ancien roi de Westphalie. Le renvoi de la pétition, accepté dans ces termes, fut prononcé à l’unanimité (3 juillet 1847).

Le 22 septembre, Jérôme reçut l’autorisation de séjourner en France pendant trois mois avec sa famille. Aussitôt rentré il négocia avec le roi et il obtint la promesse d’une pension de cent mille francs et, selon certains récits, du titre de pair. L’unique difficulté à résoudre, lorsque éclata le 24 février, était la réversibilité que le roi Jérôme demandait de la moitié de cette pension sur la tête de son fils, condition à laquelle on résistait à cause des défiances qu’inspirait le jeune prince.

J’entrai alors pour la première fois en relations avec le prince Napoléon. Peu de jours avant le 24 février, Jean Reynaud, dont j’admirais le talent si haut et le caractère si pur, m’avait convié à une réunion de l’élite du monde libéral et républicain organisée dans son petit hôtel des Champs-Elysées. Pierre Leroux, venu de Boussac en quêteur, devait, pour obtenir de l’argent, exposer son système sur la Triade et le Circulus. Parmi les invités, qui la plupart devaient avoir une participation importante à l’événement prochain, se trouvait le prince Napoléon, comte de Montfort. On se pressait autour du neveu du grand homme : on admirait la beauté de son masque napoléonien, l’éclat de son esprit et sa verve éloquente. On me présenta à lui : il me fit un accueil obligeant. De ce jour commencèrent entre nous des relations parfois ralenties, souvent troublées par d’orageux dissentimens, qui néanmoins se sont continuées avec un caractère constant d’intimité, jusqu’aux derniers jours de sa vie.

Pendant ce temps, le prince Louis demeurait fidèle à la promesse spontanément faite à l’ambassadeur de France : il ne conspirait plus. Sa vie se partageait entre le monde fashionable et l’étude. Il entreprit la réimpression du Manuel d’artillerie de sa jeunesse. Il ne se montra prétendant que par la profusion avec laquelle, en dissipant le patrimoine qui lui restait et même en s’endettant, il subvenait à l’entretien de ses amis et partisans dépourvus de ressources. Le destin travaillait pour lui ; il n’avait qu’à le laisser faire.


II

La Révolution de 1848 remit en vigueur le principe de la souveraineté nationale ; elle lui donna même une extension qu’il n’avait point encore eue. La première révolution n’avait admis que l’élection à deux degrés, elle l’introduisit directe ; la première révolution avait subordonné l’électoral comme l’éligibilité à