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car il a semblé extraordinaire qu’un être d’une telle délicatesse se soit conservé depuis un grand nombre de siècles : la collection des insectes d’Aix est une des curiosités du Musée de Marseille. On a trouvé aussi beaucoup de poissons avec leurs moindres arêtes ; c’est de là que vient notre plaque du Muséum de Paris, toute couverte de poissons minuscules dont les yeux se détachent en noir sur la pierre. Pour les plantes fossiles, Aix est la plus importante localité de la France. Saporta en a décrit 231 espèces. On connaît en Europe des gisemens où le nombre des espèces est encore plus considérable. Heer a signalé 445 espèces dans les marnes d’Œningen, près du lac de Constance, et Unger en a décrit 380 à Radoboj, en Croatie. Le nombre des espèces est, d’ailleurs, de faible importance, car il dépend, en partie, de la disposition d’esprit des descripteurs. Nous savons maintenant que les êtres ont changé incessamment dans le cours des âges ; parmi les savans, les uns créent un nom nouveau pour la moindre nuance ; d’autres, malheureusement trop rares, n’en proposent que pour les changemens bien accusés.

Saporta a trouvé dans les plâtrières d’Aix des débris de plantes très variées : macules faites par des champignons de plusieurs espèces, cônes de Pins et de Sapins, galbules de Genévriers, épillets de diverses Graminées et surtout de Poas, fruits d’Aralia, de Nénuphars, de Myrtes, de Cotonéaster, de Nerium, de Diospyros, gousses d’Acacias, capsules de Saules et de Peupliers avec du coton pétrifié entre leurs valves dures, samares de Rouleaux et d’Érables, achaines de Renoncules, de Clématites et d’une composée (Cypselites) avec les aigrettes, involucres d’Hieracium, chatons d’Aunes, fleurs de Solanées où les filets des étamines sont surmontés de leurs anthères, fleurs du Fromager dont les étamines sont également conservées et une multitude d’autres organismes difficiles à déterminer parce qu’ils diffèrent de ce qui est connu dans la nature actuelle. On croit rêver devant cette exhumation de végétaux qui sont enfouis depuis tant de milliers d’années.

Grâce aux recherches de Saporta, il est possible de se faire une idée de l’aspect des campagnes à l’époque de la formation de la pierre à plâtre d’Aix ; il y avait un lac au pied de la montagne, qui fut appelée Victoire, en souvenir des succès de Marius, et plus récemment Sainte-Victoire. Le lac avait à peine 18 kilomètres de long, mais il a persisté longtemps par suite sans doute de lents abaissemens du sol, car ses dépôts atteignent une épaisseur de 200 mètres. Il était couvert de Nénuphars, de Massettes, de Roseaux. Sur ses bords croissaient des Palmiers de petite