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même temps de véritables dicotylées : l’une qu’il dédie à M. Choffat sous le nom de Choffatia, l’autre qu’il appelle Dicotylophyllum, c’est-à-dire plante à feuille de dicotylée. Dans l’étage albien qui est encore rangé dans l’infra-crétacé, mais appartient à un niveau plus élevé, il voit commencer des genres actuels : Saules, Myricas, Aristoloches, Aralias, Magnolias, Lauriers, Eucalyptus.

Ces découvertes ont vivement intéressé les savans européens et encore plus les savans américains, parce que M. Fontaine et d’autres en ont fait de semblables dans la région du Potomac ; on en peut conclure que l’évolution a marché à pas à peu près égaux dans les deux mondes. L’habile paléontologiste, M. Lester Ward, rendant compte du nouvel ouvrage de Saporta, s’exprime ainsi : « La flore crétacée inférieure du Portugal est presque la répétition de celle de l’Amérique ; si on remarque que, dans les deux contrées, il y a plusieurs horizons distincts montrant les changemens progressifs de la flore, et que chacun d’eux présente une florule comparable, l’intérêt devient fascinant[1]. »

C’est dans l’ère tertiaire que nos pays ont vu l’apogée du règne végétal ; car, à côté des restans des cryptogames primaires et des gymnospermes secondaires, ils avaient acquis une multitude de dicotylées et de monocotylées. Saporta a suivi les modifications qui se sont successivement produites dans les temps tertiaires. Les plus anciens gisemens qu’il a étudiés sont ceux de Gelinden et de Sézanne. Les plantes trouvées à Gelinden près de Liège nous font connaître une ancienne forêt de chênes mêlés à des Lauriers, des Avocatiers, des Cannelliers, des Camphriers. Cette flore montre qu’au début du Tertiaire, le monde végétal était sensiblement le même qu’aujourd’hui. Saporta dit que le Japon présenterait des bois presque semblables : un des chênes de Gelinden reproduit les principaux traits du chêne faux-liège d’Algérie et d’Espagne.

Auprès de Sézanne dans la Marne s’élève la petite colline appelée les Crottes (corruption du mot « grottes » ) formée par des concrétions d’anciennes sources incrustantes : ces concrétions sont remplies de débris d’animaux et de végétaux. M. Munier-Chalmas, professeur à la Sorbonne, et M. Bernard Renault, assistant au Muséum, ont eu l’ingénieuse idée de prendre des moulages de leurs cavités, et ces moulages ont fait apparaître des insectes et des fleurs d’une surprenante conservation. Saporta a publié un mémoire magistral sur le gisement de Sézanne ; nous y apprenons ce que devait être la végétation aux environs de

  1. Lester F. Ward, The mesozoic Flora of Portugal compared with that of the United States (Science ; march 29, 1895.)