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y promenant différens objets, a obtenu des empreintes tellement analogues à celles du silurien, que l’on ne doute plus que leur origine soit à peu près la même. L’opinion de l’ingénieux paléontologiste de Suède a été adoptée d’autant plus volontiers que jamais on n’a observé de dépôts charbonneux dans les Bilobites, tandis que les moulages des plantes fossiles en gardent toujours quelques traces. Mais les recherches de Saporta et de M. Delgado ont rendu un service en excitant les chercheurs à aborder un des problèmes les plus difficiles de la paléontologie. Ainsi que je l’ai dit dans mes Enchaînemens du monde animal, ceux qui entreprennent de pareilles études sont comme les hardis voyageurs à la recherche de pays inconnus ; ils risquent parfois de s’égarer. Honneur à ceux qui s’enfoncent à travers les parties les plus ténébreuses des temps passés ! S’il arrive à ces grands pionniers de la science de mêler quelques erreurs à leurs fécondes découvertes, ce ne sont pas les vrais savans qui oseront leur en faire un reproche.

Il faut avouer que nous connaissons très imparfaitement la végétation du commencement de l’ère primaire, mais celle de la fin, au contraire, commence à être bien connue, grâce aux travaux accomplis depuis longtemps à l’étranger et aux magnifiques recherches faites sur le sol français par Brongniart, Grand’Eury, Bernard Renault, Zeiller et Fayol. Chacun sait qu’à l’époque houillère les végétaux ont eu un développement si immense qu’ils ont formé les accumulations de charbon de terre auxquelles l’industrie du xixe siècle a dû ses plus étonnantes transformations. On suppose que le climat était le même à toutes les latitudes, car partout on a rencontré les mêmes espèces. « Alors, dit Saporta, la végétation inaugurait l’éclat de sa jeune et déjà merveilleuse beauté. Son caractère était la profusion plutôt que la richesse, la vigueur plutôt que la variété, l’originalité plutôt que la grâce. » C’était encore l’époque du règne des Cryptogames : Fougères en arbres très diversifiées, Lycopodiacées telles que les Lepidodendron, Equisétacées telles que les Calamités. La dimension de ces cryptogames surpassait beaucoup celle des types actuels. Les gymnospermes ou précurseurs que Saporta et Marion ont appelés les progymnospermes composaient aussi des forêts, c’étaient des Sigillariées, des Calamodendrées, des Salisburiées, des Dolerophyllées ; les Cordaïtes élevaient à 40 mètres de hauteur leur tête couronnée de feuilles longues d’un mètre. Mais les phanérogames angiospermes ne se montraient pas encore ; donc les fleurs n’existaient pas ; l’auteur de la nature n’avait pas mis sur sa palette beaucoup de couleurs. Des campagnes sans fleurs devaient