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ouvrages appréciés ; il est mort en 1853, à l’âge de plus de quatre-vingts ans ; ce fut un des fondateurs de l’Académie d’Aix. L’arrière-grand-père s’adonnait à la minéralogie et avait une correspondance suivie avec l’abbé Haüy. Ces trois naturalistes s’occupaient également de botanique, ils ont formé un herbier important. En outre ils eurent l’intelligente idée de réunir dans leurs parcs de Fonscolombe et du Moulin-Blanc de nombreuses espèces et variétés d’arbres. Le parc de Fonscolombe, situé au nord du département des Bouches-du-Rhône, non loin des rives de la Durance, présente surtout des essences de pays tempérés ; arrosé par des eaux abondantes, il a de plantureux herbages qui lui donnent l’apparence d’un coin de la Normandie transporté sous le ciel de Provence. Au Moulin-Blanc, près de Saint-Zacharie dans le Var, il y a aussi des eaux vives et des herbages, mais à côté on admire les palmiers et les autres plantes des pays chauds.

Saporta m’a expliqué, avec des accens de reconnaissance pour ses chers prédécesseurs, les avantages des plantations de ses deux domaines. « Quand j’ai besoin, me disait-il, de déterminer une plante fossile, au lieu de me livrer à des études vagues avec les échantillons desséchés des herbiers, je n’ai souvent qu’à les comparer avec les plantes vivantes placées devant mes yeux. » Il avait pris l’habitude en se promenant de cueillir des feuilles sur ses arbres, et à force de les regarder, il était devenu d’une habileté surprenante pour deviner les espèces d’après la disposition des nervures. En outre, à peu de distance de Saint-Zacharie, s’élève la montagne de la Sainte-Baume ; elle possède une sorte de forêt vierge qui semble se continuer depuis les temps géologiques ; car, la Sainte-Baume ayant été, à toutes les époques de l’humanité, un lieu sacré, nul n’a osé toucher à son étrange forêt. On y voit des végétaux dont l’antiquité est incalculable, et il est possible de s’y faire une idée de l’aspect de la végétation dans les âges passés.

Malgré tant d’attractions pour s’occuper de sciences, Saporta fut assez longtemps avant de commencer les travaux de paléontologie végétale qui immortaliseront son nom. Élevé au collège de Fribourg tenu par les Jésuites, il eut d’abord l’esprit tourné vers les lettres et l’histoire plutôt que vers la science. Il forma alors une collection numismatique. Un jour on lui apporta des fossiles rencontrés dans les carrières de pierre à plâtre d’Aix : c’étaient des poissons et des plantes. Il lui sembla extraordinaire de trouver dans l’intérieur de la terre des preuves de l’existence d’êtres bien antérieurs à l’apparition de l’homme ; les fossiles d’Aix le rendirent rêveur. Il compara les plantes avec celles qui vivent de nos jours ; il constata leurs faibles différences et se demanda si