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ce qui est vrai pour le monde animal, doit l’être pour le monde végétal. » Depuis ce temps, j’ai toujours marché de concert avec le savant paléontologiste de la Provence ; à distance, nous nous communiquions nos idées, et maintenant qu’il vient de mourir, je déclare que je n’ai pas rencontré de naturaliste auquel j’aie trouvé plus d’ingéniosité et de profondeur. Je serais heureux de faire partager l’admiration qu’il m’inspire aux lecteurs de cette Revue. Il n’est pas un inconnu pour eux ; ils ont lu plusieurs articles de lui où le talent du lettré a paru en même temps que celui du savant. Mais peut-être ils n’ont point eu occasion d’étudier ses immenses travaux de science pure qui occupent un nombre étonnant de volumes et feront sûrement passer son nom à la postérité.

Avant de parler de ses ouvrages paléontologiques, je crois devoir donner quelques renseignemens sur sa famille, sa vie, ses essais historiques. Un grand seigneur, prince de la science, est dans notre pays un homme assez rare pour que sa personnalité puisse nous arrêter quelques instans.


I


Louis-Charles-Joseph-Gaston, marquis de Saporta, est né en 1823, à Saint-Zacharie, dans le Var. Sa famille est d’origine espagnole. Les Zaporta[1] ont occupé un rang élevé à Saragosse et ont été alliés aux meilleures maisons d’Espagne. L’un d’eux, don Gabriel, fut le premier consul de Saragosse de 1563 à 1567. Dona Hieronima Zaporta et son époux don Alfonse Villaponda fondèrent la magnifique chartreuse de la Conception aux environs de Saragosse. Un des fils de M. de Saporta m’a dit que la casa Zaporta se voit encore rue Zaporta ; c’est un bel édifice de la Renaissance.

L’oncle du premier consul de Saragosse, Louis Saporta, s’établit en France sous le règne de Charles viii. Il eut deux enfans : une fille, Françoise, qui se maria en 1499 et dont la descendance a fourni plusieurs chevaliers de Malte ; un fils appelé aussi Louis, qui vint à Toulouse et de là à Montpellier où il s’adonna à la médecine. Pendant trois générations, les Saporta furent médecins royaux et doyens de l’Université de Montpellier. L’un d’eux, Antoine, embrassa la religion réformée. Il gagna l’amitié d’Antoine de Bourbon, roi de Navarre, et de son fils qui devint Henri iv. Rabelais, dans le Pantagruel, le cite parmi ses « an-

  1. Le nom a été changé en Saporta dans notre pays.