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UN NATURALISTE FRANÇAIS


LE MARQUIS DE SAPORTA


C’est une étrange chose que l’antiquité n’ait eu aucune idée de l’histoire primitive de notre planète et qu’il ait fallu arriver à notre siècle pour que la question des origines du monde animé ait été étudiée. Mais à peine Georges Cuvier a-t-il jeté les bases de la paléontologie que cette science a marché avec une rapidité qui est un des faits les plus remarquables de notre époque. Naturalistes, penseurs, artistes, aspirent à se représenter les scènes majestueuses des temps géologiques et leurs étonnantes créatures. Ils essaient de ressusciter non seulement les animaux des âges passés, mais aussi les plantes qui ont décoré les paysages où ils se mouvaient.

Le marquis de Saporta que nous venons de perdre est un des hommes dont les recherches ont le plus contribué à fonder la paléontologie végétale. Adolphe Brongniart a été le premier en France qui se soit livré à une étude approfondie des plantes fossiles. Analyste habile, il a su faire ressortir leurs différences, mais il ne possédait pas des matériaux assez nombreux pour aborder des travaux de synthèse. Saporta a entrepris ces travaux ; il a tâché de comprendre l’histoire de la création du monde végétal. Il y a une trentaine d’années, il vint dans mon laboratoire du Jardin des Plantes : « D’après ce que j’ai vu, me dit-il, vos recherches sur les animaux fossiles vous ont appris que les espèces ne sont pas des entités immuables, mais de simples phases de transformations de types qui, sous la direction du Divin Ouvrier, poursuivent leur évolution à travers les âges. J’ai observé la même chose pour les plantes fossiles. Si vous le voulez, nous travaillerons ensemble, nous nous éclairerons mutuellement, car