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et je dois à la vérité historique de dire que nous ne pouvions guère espérer davantage.

En même temps que nous cherchions à nous entendre sur le terrain des affaires et à rétablir dans notre faible mesure un régime de tolérance mutuelle entre les deux pays (il ne pouvait à ce moment être question d’autre chose), nous n’avions pas à négliger un moyen de rapprochement rendu obligatoire par l’état même de la guerre et qui permettait d’en adoucir les dernières horreurs, je veux dire les liens de la charité internationale. Nous ne perdîmes aucune occasion de l’exercer. L’ambassade de France fut admirablement secondée dans ce travail, où les hommes n’eurent que la moitié de la tâche, par le concours des dames allemandes et françaises qui, sous le patronage de l’impératrice Augusta, de la princesse impériale, mère de l’empereur actuel, et la direction de la Société de secours aux blessés, s’occupaient du rapatriement de nos soldats ou de soigner ceux qui, n’étant pas transportables, étaient encore dans les hôpitaux. C’est à cette époque que Mme la comtesse de Goyon arriva à Berlin. Veuve du général de ce nom, belle-sœur du comte de Flavigny, président de la Société de secours aux blessés, elle avait accepté la mission de s’occuper, d’accord avec l’ambassade, du rapatriement des soldats malades ou blessés demeurés prisonniers dans les forteresses de l’Allemagne du Nord. M. le docteur Mundy la seconda activement dans sa noble tâche, aidé par les médecins dévoués et les sœurs de charité qui soignaient nos blessés, dans les trains sanitaires, si remarquablement organisés à cet effet. Je crois devoir aussi rappeler, à cette occasion, le zèle actif et le dévouement vraiment admirable de quelques prêtres et religieux, entre autres, de Mgr Potron, en religion frère Marie de Brest, actuellement évêque de Jéricho, aumônier militaire des franciscains, qui lui-même avait fait toute la campagne de Crimée et qui n’épargna aucun sacrifice pour le soulagement et la consolation de nos soldats malheureux. Il remplaça dignement le Père de Damas et les autres ecclésiastiques qui s’étaient dévoués avant lui à nos soldats pendant la guerre. M. l’abbé Lerebours et M. l’abbé de Bréon vinrent aussi passer quelques jours à Berlin et s’y montrèrent pleins de zèle et de dévouement. L’ambassade expédia successivement quatre trains sanitaires, contenant chacun de six à sept cents blessés qui furent reçus à Lille et admirablement soignés par le préfet du Nord, le baron Séguier. Quelques-uns d’entre eux seulement succombèrent durant le trajet. Tous les autres arrivèrent à destination, et ceux qui ne purent survivre eurent la consolation de mourir sur la terre de France. C’est avec émotion