que de faire respecter la volonté nationale. Nous devons donc, quelles que puissent être nos opinions personnelles, savoir gré à la Russie de l’initiative qu’elle prit alors. Toutes les puissances l’imitèrent ou la suivirent.
J’appris plus tard à ce sujet quelques détails fort curieux, que je fis connaître dans une dépêche confidentielle, en date du 15 mai 1871 et qui confirment pleinement ces appréciations :
«… Au mois de novembre dernier, le ministre d’une des puissances étrangères accréditées à Saint-Pétersbourg fut chargé par son gouvernement de demander au prince Gortchacow quelle était la pensée du cabinet impérial sur le régime qui conviendrait à la France, et éventuellement, quelles mesures il serait disposé à adopter ou à conseiller. Le chancelier répondit à cet agent diplomatique, de la bouche duquel je le tiens, qu’il était opposé, en principe, à toute intervention qui n’était pas commandée par une nécessité absolue ; il laissa entendre que le système politique de l’empereur Nicolas et celui du comte de Nesselrode n’étaient nullement le sien ; et que, quant à lui, il était absolument contraire à toute pression de cette nature. La guerre ayant été malheureusement engagée entre la Prusse et nous, les grandes puissances n’avaient qu’à en attendre patiemment la fin et à conserver jusqu’au bout la neutralité, aussi bien vis-à-vis des belligérans, que dans la constitution du régime nouveau qui s’établirait en France. Il ne désirait à cet égard qu’une chose, c’est que le pays décidât lui-même de ses destinées, persuadé qu’il serait le meilleur juge du régime qu’il lui conviendrait d’établir.
« Ce langage, dont je crois pouvoir vous garantir l’exactitude, est tout à fait conforme à la manière de voir que j’ai été à même de remarquer chez le chancelier de l’empire. C’est le langage du bon sens et de la justice, en même temps que celui de la prudence, et j’ai tenu à vous le faire connaître.
« Le prince Gortchacow se serait placé dans le même ordre d’idées vis-à-vis du cabinet de Berlin, à l’époque de la nomination de M. Thiers comme chef du pouvoir exécutif. J’avais remarqué chez le chancelier, lorsque j’ai demandé la reconnaissance de notre gouvernement par la Russie, une certaine préoccupation qui m’avait fait soupçonner que l’Empereur subissait à ce moment une pression de la Prusse pour lui faire différer son adhésion. Aussi, pour couper court à toute incertitude, ai-je demandé l’insertion au journal officiel, le Messager, de l’acte de reconnaissance. La Prusse, qui était bien obligée de traiter officiellement avec M. Thiers pour les négociations de la paix, n’aurait pas été fâchée que la Russie nous traînât en longueur, comme elle l’avait déjà fait en d’autres circonstances. Il en serait résulté une