Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 133.djvu/23

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Venise devait fournir au duc un subside en argent et un corps de 4 000 hommes pour opérer contre le Milanais. La République devait en outre mettre une flotte à la mer. Mais, comme le duc de Savoie, elle manquait de soldats et elle devait les chercher au dehors. Elle s’adressa à tous les ennemis de la maison d’Espagne ; d’abord, aux Provinces-Unies, qui conclurent, elles aussi, un traité d’alliance avec la République italienne ; de ce chef, on put compter sur un corps de 4 000 Hollandais qui vint débarquer et passer la revue sur la place Saint-Marc, à la grande satisfaction du parti de la guerre, mais au grand effroi des gens timides et expérimentés, qui voyaient avec terreur ce corps redoutable d’hérétiques maître de la ville. On se hâta de l’expédier vers le Frioul.

On s’adressa aussi aux cantons suisses. Parmi eux, les catholiques restèrent fidèles à la cause de l’Espagne. Mais Berne et Zurich se laissèrent charmer par le son des sequins et promirent des soldats. Pour permettre à ces recrues de gagner son territoire, et, en même temps, pour achever cette vaste entreprise d’enrôlement, Venise devait s’entendre avec une petite république voisine, maîtresse des défilés des Alpes, les « Ligues grises ». Ces peuples, à demi barbares, étaient engagés, depuis longtemps, dans l’alliance de la France. Henri IV avait renouvelé les traités qui lui assuraient, à lui et à ses successeurs, le privilège exclusif de recruter ses armées chez les Grisons et de faire passer ses troupes par les importans défilés qu’ils occupaient.

Ainsi, en même temps que le duc de Savoie se tournait vers la France et notamment vers son puissant voisin, le maréchal de Lesdiguières, gouverneur du Dauphiné, pour réclamer de lui aide et secours contre les lieutenans de l’Espagne, Venise, invoquant la vieille amitié qui l’unissait à la couronne de France, rappelant le souvenir si récent de l’appui qu’elle avait fourni au roi Henri IV pour l’aider à conquérir son royaume, s’adressait aussi à son successeur.

Ces événemens se passaient dans les premiers mois de l’année 1616, quelque temps avant l’arrivée de l’évêque de Luçon aux affaires.

L’embarras était grand pour la cour de France. Les deux dynasties de France et d’Espagne venaient de s’unir par le double mariage, couronnement de la politique de Marie de Médicis. Sans qu’il y eût, à proprement parler, de traité d’alliance, l’entente existait entre les deux cours. L’ambassadeur d’Espagne, le duc de Monteleone, était admis dans les conseils de Marie de Médicis. Il avait acquis à la cause de son maître les Concini et leur bande.