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Beethoven. À Dresde, à Leipzig, il suivit les cours des professeurs les plus renommés, acquit en particulier une connaissance approfondie des langues anciennes, et fut ensuite à l’Université de Leipzig un des meilleurs étudians de la section de philosophie. Mais déjà son goût pour le théâtre s’était clairement affirmé. À seize ans, il avait écrit les paroles et la musique d’une Pastorale dramatique ; à dix-neuf ans il avait composé un opéra, le Mariage : sans compter une tragédie, et un certain nombre d’œuvres purement musicales, dont il nous dit lui-même qu’elles n’étaient pour lui qu’un exercice, son unique ambition étant de produire de la musique de théâtre.

À vingt ans, en 1833, il débuta dans la profession de chef d’orchestre, à Würzbourg, où son frère était régisseur. Il remplit ensuite les mêmes fonctions à Magdebourg, à Kœnigsberg, enfin à Riga, où l’on a gardé le souvenir de représentations modèles, organisées par lui, des opéras de Mozart et du Joseph de Méhul. « Et cette période de voyages, nous dit M. Chamberlain, ne pouvait manquer d’avoir une grande action sur son développement artistique. Elle avait enrichi son expérience technique des choses du théâtre : elle lui avait fait connaître les conditions d’existence spéciales des théâtres allemands ; elle lui avait permis d’approfondir la matière dramatique et musicale dont il devait un jour tirer profil pour la réalisation de son idéal. Enfin elle lui avait révélé l’Allemagne, sa patrie, avec la variété de ses caractères locaux. »

À Kœnigsberg, Wagner s’était marié avec une jeune actrice, Wilhelmine Planer ; et ce fut avec elle qu’il vint, en 1839, à Paris, pour y tenter la fortune. Il n’y trouva rien qu’une noire misère, si obstinée, si dure, que c’est elle — il l’avoue lui-même — qui acheva de faire de lui un révolutionnaire. Il rêva dès ce moment une transformation radicale des conditions artistiques et sociales de son temps : et c’est à Paris qu’il prit clairement conscience de sa destinée.

Il y acquit en même temps la certitude d’une vérité artistique dont il n’avait eu jusqu’alors que le pressentiment : il comprit la nécessité, pour les œuvres dramatiques et musicales, d’une exécution aussi parfaite que possible. « L’exécution de la Symphonie avec Chœurs au Conservatoire (après trois ans d’études), l’interprétation impeccable des quatuors de Beethoven, la manière infiniment minutieuse et soigneuse dont se faisaient les répétitions au Grand Opéra, tout cela fut pour lui autant de leçons dont l’effet devait se retrouver, trente ans plus tard, au théâtre de Bayreuth. »

Enfin l’éducation artistique de Wagner put s’achever à Dresde, où, comme l’on sait, il tint durant sept ans, de 1842 à 1849, l’emploi de chef d’orchestre au théâtre de la Cour. « Le matériel de ce théâtre était le meilleur de l’Allemagne ; l’orchestre, au témoignage même de