renouveau printanier, le malade, soudainement réveillé de sa léthargie, s’abandonne d’ordinaire tout entier à la douce joie de vivre, le grippé n’éprouve que très rarement ces fortifiantes émotions. Brisé par les orageuses péripéties de la lutte, pénétré jusqu’aux moelles par la subtile dissémination du poison grippal, profondément affaibli et démoralisé, il ne reprend possession de lui-même qu’avec une décourageante lenteur. Sans douleur, sans fièvre, sans troubles fonctionnels appréciables, ce n’est plus qu’un neurasthénique languissant. Mais cet état d’invincible torpeur n’est communément aussi qu’une illusion grippale. Vienne le rétablissement intégral de l’activité digestive, toujours supprimée dans l’influenza, et la guérison, ramenant enfin les conditions normales du statu quo ante, aura bien vite dissipé jusqu’au souvenir de tant de mauvais jours.
Ainsi, nous avons quelque droit d’affirmer que la récente pandémie grippale ne nous a pas vainement prodigué ses dramatiques enseignemens. Il restera d’elle autre chose qu’un encombrant amas de relations confuses et de discussions passionnées. Fini le règne du quid divinum, des ouragans miasmatiques disséminant l’influenza d’un monde à l’autre avec l’irrésistible soudaineté de la foudre, des ridicules prétentions de l’inoffensif ozone. Remises aussi à leur vrai point, les exorbitantes influences du chaud, du froid, du sec, de l’humide, refuges trop hospitaliers des théories en détresse.
La grippe est une maladie microbienne à peu près classée ; elle nous vient très vraisemblablement d’Asie, comme le choléra ; elle est éminemment contagieuse ; sa symptomatologie se caractérise au plus haut degré par une prodigieuse variabilité de phénomènes secondaires se groupant autour d’un petit nombre de types déterminés, presque toujours reconnaissables, et dont le tout-puissant secours de la bactériologie nous facilitera désormais le diagnostic. Dans la très grande majorité des cas, son incontestable gravité est le résultat direct de complications ou, pour parler le langage précis de la science actuelle, d’infections surajoutées, qu’elle provoque avec une déplorable et constante complaisance. Tel est, en ce moment, le bilan exact des faits acquis et de ceux qui sont tout près de l’être, mais qu’il est encore prudent de contrôler. Comparé à celui dont nous disposions avant 1889, il donne la très encourageante mesure du terrain parcouru en ces