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apportait-il chaque année à Renduel quelques-unes de ses premières productions de critique, de poète ou de romancier, tous ouvrages notables et dont le succès, qu’il fût rapide ou longuement disputé, contribuait également au renom de l’auteur, à la prospérité de l’éditeur. Il était entré en relations avec le nouveau libraire en lui offrant de réimprimer les Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme, dont le premier tirage avait filé en moins d’un an, grâce au scandale soulevé dans le camp classique par cet ouvrage qui attira sur Sainte-Beuve les foudres vengeresses de Jay. Cette seconde édition, publiée en 1830, fit naître d’excellens rapports entre deux hommes d’un caractère parfois assez difficile : ils se convinrent si bien que Renduel se chargea de rééditer aussi les Consolations et que Sainte-Beuve lui vendit dès l’origine Volupté, cinq volumes de Critiques et Portraits littéraires, les Pensées d’Août et enfin son grand travail sur Port-Royal.


23 août (1841).

Mon cher Renduel,

C’est pour vous obéir que je viens vous rappeler que nous sommes convenus de 200 francs à toucher par moi chez Hachette ou ailleurs au 31 août. Je dois les payer à M. Naudet le lendemain pour des frais de logement. Cela ruine d’être propriétaire ou locataire établi : je n’ai jamais été si endetté que depuis que je suis logé aux frais de l’Etat. Je n’entrerai au reste dans mon nouveau gîte que dans un mois à peu près. Nos vacances n’ont plus qu’une vingtaine de jours. Sans aller à la campagne, je me suis un peu reposé ici, et je n’ai pas autant travaillé que précédemment. Pourlant tout continue et, j’espère, ira à bon terme. J’ai dit votre reproche au père Guénot. Ils viennent de perdre un procès qui leur fait des frais : ce sont d’honnêtes gens et qui ont du malheur.

Rien ici de bien nouveau. La librairie sommeille… Voilà le temps qui se relève : tout annonce une belle fin d’été. Vos bleds vont se relever aussi, et votre cœur rural doit s’épanouir.

Mille amitiés, mon cher Renduel,

SAINTE-BEUVE.

Il y a un joli sonnet de ce pauvre Bertrand à vous : Compère, etc.


Ce samedi (25 septembre 1841).

Mon cher Renduel,

Vous avez dû recevoir quatre feuilles du père Guénot : nous en avons quatre autres sur le métier. Mes vacances sont finies, et je suis depuis le 15 rattaché à mon collier. Je dois être logé à l’Institut le 1er ou le 2 octobre définitivement.

Charpentier est revenu avec sa femme, très contens tous deux de leur tournée dans le Midi. La Bibliothèque travaille à force et se vend très bien. Il a conclu avec le comte de Vigny. Il donnera un volume des Poésies choisies de Mme Valmore.

Pendant que vous rentriez vos moissons et que révoltiez vos vignes,