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livre en prose, et l’auteur le pressait fort de prendre une décision.


Monsieur,

Je voudrais bien que vous m’écrivissiez franchement quel prix vous voudriez mettre au manuscrit dont j’ai à disposer. — Je vous avouerai franchement aussi que l’on m’a fait ces jours-ci des offres assez avantageuses, dont cependant je n’ai pas voulu profiter avant d’avoir appris les vôtres, qui sont les premières en date.

Veuillez donc me répondre un mot là-dessus, le plutôt (sic) qu’il vous sera possible, — et agréer les sentimens les plus distingués de votre serviteur.

ALFRED DE MUSSET.

Dimanche, 9 septembre 1832.


Musset devait se vanter en parlant d’autres « offres avantageuses », car son frère, qui avait négocié cette affaire avec Renduel, ne dit rien de ces prétendues ouvertures. Finalement Renduel accepta, un peu par égard pour Paul de Musset, avec lequel il avait déjà conclu marché[1]. Malheureusement ces deux pièces réunies ne donnaient guère que deux cents pages, et il en fallait encore une centaine pour former un volume présentable : Musset se remit à l’œuvre et écrivit, en deux ou trois semaines, le conte oriental de Namouna, qu’on accoupla tant bien que mal avec la comédie pseudo-espagnole et le drame tyrolien. L’impression reprit alors de plus belle, sans jamais aller assez vite au gré de l’auteur.

Voilà ce qui s’appelle agir d’une façon aimable et qui vous fait honneur. — Puisque vous le voulez bien, vous trouverez, sous cette enveloppe, un billet que je vous renvoie, et un autre que vous me renverrez (à un mois d’échéance, n’est-ce pas) quand vous l’aurez rempli.

Notre imprimeur n’a qu’un défaut, c’est qu’il m’envoie une épreuve tous les lundis à peu près. Sur ce pied nous paraîtrons en 1834. — J’irai chez lui demain ; — tâchez d’en faire de même, quand vous aurez le temps. — Votre bien dévoué,

ALF. DE M.

Lundi.


Les craintes de Musset étaient exagérées : son livre parut à l’époque fixée, en décembre 1832, et si le tirage faillit en être retardé, ce fut par suite du luxe que Renduel voulait apporter à cette publication et dont le porte préféra se passer. L’éditeur avait commandé tout exprès à Célestin Nanteuil trois vignettes à

  1. C’est du moins Paul de Musset qui le dit dans la biographie de son frère éditée à la librairie Charpentier, en 1877. Je crois bien découvrir dans son récit deux ou trois pointes à l’adresse de Renduel ; mais ce sont là malices obligées en quelque sorte et presque amicales. Bienheureux les éditeurs qu’on traite de si douce façon !