de définitions légales. Ce sont des questions de droit qu’il faut que les jurés résolvent, bien qu’ils ne les comprennent pas, et que chacun ait le devoir de ne pas les leur expliquer. Et l’avocat, dans cette confusion, aura beau jeu pour prétendre que la « suppression d’enfant » ne vient là que pour rassurer le jury, en permettant à la Cour d’appliquer la peine d’un an de prison ! Telle est dans une affaire d’infanticide la situation de ces jurés, juges du fait, auxquels la loi défend de songer à la peine.
Autre exemple : cette femme a tué son amant. Nous n’avons ici rien à dire du « crime passionnel », sauf que dans ces sortes d’affaires, nul ne peut attendre raisonnablement du jury qu’il ne songe pas à la peine. Ces exemples, on le devine, pourraient être multipliés et il n’y a guère de cas où le juré, dans la situation fausse et équivoque où on le place, ne soit pris d’embarras et de trouble et exposé à commettre de véritables bévues.
Mais revenons au délibéré. Dans l’affaire soumise à nos jurés il ne s’agit, on s’en souvient, ni d’un crime d’amour ni d’un infanticide, où le jury est vite conduit à l’acquittement. La cause est grave et douteuse, l’accusé nie, les jurés hésitent. Vainement le « meneur » qui a la gloire d’avoir fait ressortir quelque circonstance accessoire, prétend tout emporter avec son unique argument. Il n’a point encore « sa majorité ». Alors, dans l’embarras général, une voix s’élève : « Si nous faisions prier monsieur le président de venir au milieu de nous ? » Et bientôt en effet, le président est annoncé, il prend place autour du tapis vert.
Ainsi, ces deux sortes de juges que tout a séparés jusqu’à l’heure où nous sommes, se trouvent réunis pour la première fois. Ce sont d’honnêtes gens qui cherchent la justice, mais qui n’ont pas le droit de la chercher ensemble : alors, pourquoi se réunissent-ils ? Que peuvent-ils dire, que peuvent-ils faire qui ne soit contraire à la loi ? Au milieu du secret, si rigoureusement prescrit, et qui est l’essence même de ce délibéré, pourquoi le président est-il donc appelé ? Le président est le droit, la loi, la science, la peine. Le juré est le fait, l’intime conviction.
C’est un mur que le code a péniblement édifié entre ces êtres. Tout cela ne serait donc qu’un leurre, un château de cartes sur lequel on souffle au dernier instant ? A l’audience, où leurs yeux et leurs consciences se cherchaient et s’appelaient en vain, ce président et ce juré n’ont pu s’expliquer, se compléter, se rejoindre,