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LA COUR D'ASSISES DE LA SEINE

II[1]
LE JURY


IX

Les jurés sortent de la chambre du conseil, l’heure du débat oral a sonné. Donc « audiençons la cause, et chacun estant en la place qu’il doibt, entrons à bon escient au combat ! » Ainsi parlait Pierre Ayrault, magistrat du XVIe siècle, dont l’esprit novateur et hardi réclamait des réformes qui ne sont pas encore réalisées. Au combat ! c’est bien le mot — ou plutôt au tournoi, à la lutte brillante où, dans l’éclat des passes d’armes, dans le cliquetis joyeux des épées, disparaissent aux yeux du spectateur les deuils qui ont ouvert cette lice, et ceux qu’elle va faire naître.

Nous choisissons, pour pénétrer dans la salle de la Cour d’assises, un jour de « crime célèbre » ; et ces jours-là, dans notre audience parisienne envahie par le public, la note dominante, on peut le dire, est la gaîté. Depuis quelque temps, il est vrai, cette gaîté ne tourne plus à l’indécence ; grâce à de sages mesures, les sandwiches, le Champagne et les personnes qui en faisaient usage sont exclus des bancs réservés[2] ; la salle n’offre point de scandale, mais elle présente toujours un désordre riant

  1. Voyez la Revue du 1er novembre 1895.
  2. La tendance du public français à rechercher à la Cour d’assises les émotions du spectacle est ancienne et invétérée. Les gardes des sceaux, à diverses reprises, et notamment le 7 juillet 1844, ont protesté contre les distributions de billets « qui transforment la salle d’audience en une salle de théâtre » ; ils se sont plaints de l’envahissement de la foule « dont les manifestations réagissent quelquefois sur les jurés. »