l’éloge du concert européen, et de son efficacité, il a néanmoins prévu le cas où l’empire ottoman viendrait à se disloquer, et il a affirmé qu’en pareille occurrence l’Italie, plus habile et mieux préparée qu’autrefois, saurait prendre sa large part des dépouilles. « Les droits du pays seront réservés, a-t-il dit, et après avoir employé nos armes en faveur des faibles, nous demanderons à la victoire, comme récompense, les résultats que nous serons en droit d’exiger. » L’Italie employant ses armes en faveur des faibles serait une nouveauté. C’est sans doute des Arméniens que M. Crispi a voulu parler ; mais sont-ils aussi faibles que cela ? En tout cas, le concours que leur prêterait l’Italie, s’il était vaillant et héroïque comme nous n’en doutons pas, ne serait pas désintéressé. « Nous demanderons notre récompense à la victoire, » dit M. Crispi, et sans doute il la demanderait de même à la défaite, si elle était compensée par le succès de ses alliés : il y a des précédens.
Nous avons de la peine à nous habituer à ces airs de bravoure qui, heureusement, sont chez nous passés de mode. M. le baron Blanc les a répétés à sa manière ; il a refait successivement les discours de lord Salisbury et ceux de M. Crispi ; et il serait trop facile aujourd’hui d’abuser contre lui de ce qu’il a dit de l’Erythrée. Il a parlé fièrement d’un « compte à régler avec Ménélik au moment et suivant le mode qui paraîtraient le plus opportuns. « On peut, a-t-il ajouté, attendre avec tranquillité que la situation se déroule. » L’attente n’a pas été longue. « Personne, disait M. Blanc, ne peut intervenir entre Ménélik, notre vassal rebelle, et nous », et assurément personne ne songeait à le faire. A quoi bon d’ailleurs ? Ménélik a montré qu’il était très capable de se défendre et même d’attaquer tout seul. La nouvelle s’est subitement répandue qu’un détachement italien composé de 1500 hommes avait été presque complètement anéanti à Amba-Alaghi. La colonne était commandée par un officier expérimenté, le major Toselli. Elle était composée d’Ascaris, et seulement commandée par des Italiens : les huit dixièmes de ceux-ci, officiers et sous-officiers, ont disparu. Quant aux malheureux soldats ascaris, sur 1 500, 1 200 ont été tués ou faits prisonniers. On assure que l’armée ennemie comptait 20 000 hommes, sinon plus, et qu’elle a cruellement souffert. Il n’en est que plus difficile de comprendre que le major Toselli se soit laissé surprendre par une masse aussi considérable. 20 000 hommes ne marchent pas sans qu’on les aperçoive, pour peu qu’on sache soi-même s’éclairer et s’entourer des précautions les plus élémentaires en temps de guerre. Peut-être les Italiens ont-ils été dupés par l’ennemi. Depuis quelque temps, Ménélik annonçait l’intention de faire la paix, et les pourparlers avaient été presque engagés. Mais, de sa part, ce n’était là qu’une ruse, grâce à laquelle les Italiens se sont sans doute insuffisamment gardés. Au reste, les nouvelles d’Afrique sont encore trop