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plus facile. En les maintenant dans un ordre strict de spécialisation et de sévère technicité, elles auraient sur les autres l’avantage d’être praticables au public qui s’y intéresse, de rendre l’étude plus accessible au professionnel, et l’enseignement qu’elles comportent plus direct et plus clair aux yeux de tous, ne pouvant ambitionner de jouer ce rôle vraiment miraculeux des expositions universelles qui « sont une école où les goûts artistiques, où les connaissances techniques doivent se développer inconsciemment chez le visiteur par la force des choses. » Je cite et n’invente pas.

Il y a des expositions spéciales qui ont donné des résultats pratiques excellens, comme celles de la meunerie, de la brasserie, de l’électricité même. Les comices agricoles, les concours régionaux, qui ne sont pas autre chose que les expositions spéciales de l’agriculture, ne furent-ils pas utiles ? Et en bien des départemens, où la population agricole ; s’obstine encore aux vieilles routines, n’apportent-ils pas tous les jours une émulation progressive dans l’emploi de cultures plus rationnelles et d’élevages plus scientifiques ? On peut se demander ce que vient faire, dans une exposition universelle, l’agriculture et ce qu’elle vient y montrer qu’elle n’ait déjà montré dans tous les comices et concours qui fonctionnent en France régulièrement ? Elle y est, d’ailleurs, fort mal reçue ; on ne lui réserve jamais que des emplacemens peu commodes, dérisoirement exigus, et nullement on rapport avec le chiffre de ses affaires annuelles — 13 milliards, et celui de sa population — 18 millions d’hommes. En 11)00, sur une surface couverte de 392 000 mètres carrés, elle n’aura droit qu’à 34 000 mètres, c’est-à-dire une place inférieure à celle qu’occupe le moindre comice cantonal.

J’ajoute que, pour être complètement utiles et complètement justes, les expositions devront non seulement se spécialiser, mais encore se régionaliser, car la province, dans tout ceci, il semble qu’on n’y a point songé.

Et pourquoi y songerait-on ? Pourquoi Paris songerait-il à la province ? Pendant que la province travaille et peine, que, de ses champs durement remués, de ses usines peu prospères, de ses villes de plus en plus dépeuplées, elle dirige sur Paris, par les mille voies ferrées de ses réseaux, dont la distribution fut uniquement conçue en faveur de la capitale, ce qui nourrit Paris, l’habille et l’enchante, la pierre de ses maisons, le bois de ses meubles, le charbon de son feu et de sa lumière, le vin de sa joie, Paris paperasse, discute, badaude et digère. Il digère et, ce faisant, n’est-ce point le plus grand honneur qu’il puisse adresser à la province ? Que veut-elle encore de lui qui est le roi du monde, le centre,