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POURQUOI DES EXPOSITIONS ?





Le projet d’une Exposition universelle, en 1900, n’a pas été accueilli sans de vives protestations. On en a, un peu partout, avec des raisons fortes et justes, contesté le résultat utilitaire, l’influence morale, et l’opportunité politique. Après enquête sérieuse, il ne semble pas que les critiques, parfois violentes, qu’on en a faites, fussent exagérées ; et je ne vois pas trop ce que pourrait y répondre de triomphant un esprit impartial, qui ne demande qu’à être renseigné. La province se montre, en général, fort irritée contre ce projet, et Paris ne s’y enthousiasme point. Ils ont raison. Au point de vue technique, rien ne justifie cette exposition, ni une découverte importante, dans les différentes spécialités de nos industries ; ni une application scientifique nouvelle, offrant un intérêt national ; ni un mouvement d’art qui doive régénérer nos esthétiques épuisées ; ni la solution d’un problème social, à la suite de quoi puisse être décrété le bonheur universel. Il m’est impossible de prendre au sérieux cette raison invoquée par les patriotes que c’est là une victoire sur l’Allemagne, laquelle, si M. François Deloncle ne l’eût devancée, se fût empressée d’accorder, à Berlin, ses violons, au lieu de venir, à Paris, danser au son des nôtres. J’ai beau chercher, je ne trouve pour la justifier rien d’autre que cette superstition populaire, que les expositions universelles doivent revenir chez nous, tous les dix ans, comme les grandes gelées. D’ailleurs, il faut le dire bien haut : à l’exception d’une certaine catégorie de citoyens, montreurs de phénomènes et marchands de plaisirs, dont il n’est pas excessif d’affirmer qu’ils ne sont pas l’élite du génie français, étant, pour la plupart, étrangers, et qui ont toujours quelque chose à pêcher dans ces troubles eaux que sont les foules humaines ; à l’exception aussi du personnel gouvernemental, pour qui ces époques de dépression nerveuse et de délire ambulatoire, sont des garanties de durer, autant qu’elles-mêmes durent, personne ou presque personne ne la désire. Beaucoup, au contraire, la redoutent parmi