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l’État. Quand une ligne traversait des régions difficiles, et devait par suite absorber un capital hors de proportion avec la recette à attendre soit de son trafic propre, soit des plus-values qu’elle procurerait aux lignes préexistantes, la compagnie n’en acceptait la concession que moyennant une subvention fixe, donnée à fonds perdus par l’État. Souvent les compagnies se chargeaient de réaliser elles-mêmes le capital alloué ainsi à titre de subventions, et l’État se bornait à leur servir une annuité égale à l’intérêt et à l’amortissement des obligations émises à cet effet ; mais cette annuité, non remboursable, restait indépendante et distincte des avances de garantie. C’est ainsi que, tout en étendant, sous la pression des besoins, les opérations faites avec la garantie d’intérêts, l’État et les compagnies s’appliquaient à conserver à cette garantie le caractère d’une avance remboursable, ne désintéressant pas les concessionnaires des résultats de leur exploitation.


II. — LES COMPAGNIES SECONDAIRES, LES RACHATS ET LE GRAND PROGRAMME DE 1879

Retenues par cette même préoccupation, — de ne pas trop grever le compte de garantie, — les grandes compagnies ne se prêtaient qu’avec une assez grande résistance à l’extension de leurs réseaux, toujours trop lente au gré des régions non desservies. Aussi le gouvernement, pour répondre aux besoins des populations, se trouva-t-il amené à concéder certaines lignes à des compagnies secondaires, qui recevaient de l’État ou des départemens des subventions assez élevées, payables en capital, mais qui n’avaient pas de garantie d’intérêts pour la dépense laissée à leur charge. Parmi ces concessions, les unes étaient classées dans le réseau d’intérêt général, les autres dans la catégorie nouvelle des chemins de fer d’intérêt local. Les chemins de fer d’intérêt local, institués par la loi du 12 juillet 1865, sont caractérisés par ce fait, que la concession est accordée par le département et non par l’État.

Les petites compagnies, n’ayant ni lignes à grand trafic, ni garantie, n’auraient pu vivre qu’à la condition de construire et d’exploiter dans des conditions très modestes, répondant aux besoins à desservir, et d’obtenir l’appui des grandes compagnies auxquelles elles devaient apporter un certain trafic. Au lieu de suivre cette voie prudente, la plupart d’entre elles se laissèrent aller à de folles spéculations, en élevant la prétention de créer, par la soudure des lignes secondaires, des concurrences aux lignes garanties, que l’État ne pouvait évidemment ni faciliter ni même