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évidemment tout bénéfice à en laisser la charge aux actionnaires. Mais la plupart des travaux complémentaires ont pour but soit d’attirer un trafic nouveau, soit de réduire les dépenses d’exploitation ; ils n’ont aucun caractère obligatoire, et ne peuvent s’effectuer que si les charges qu’ils imposent peuvent être inscrites dans les mêmes comptes que les bénéfices qu’ils procurent. Quand une compagnie, par exemple, dépense deux ou trois millions pour exécuter, dans une gare de triage, une transformation qui permettra d’économiser 200 000 francs par an sur les dépenses de manœuvres et d’exploitation, elle fait une opération qui se traduit pour elle, et pour le compte de garantie, par une économie notable. Cette opération ne se réaliserait évidemment pas, si l’économie profitait à l’Etat, tandis que l’intérêt du capital dépensé, ne pouvant figurer dans les comptes de garantie, devrait être prélevé sur les sommes réservées pour le dividende. De même, jamais une compagnie ne proposerait une réduction de tarifs, même avec la conviction qu’elle donnera une augmentation notable de trafic, si la plus-value des recettes devait venir en déduction des avances de l’Etat, tandis que l’intérêt des dépenses d’agrandissement des gares ou d’augmentation du matériel qui en seraient la conséquence resterait à la charge des actionnaires.

Ainsi, l’impossibilité de porter les travaux complémentaires en compte dans la garantie arrêterait tout progrès dans l’exploitation des lignes auxquelles cette garantie s’applique, et amènerait une situation aussi intolérable pour le public qu’onéreuse pour l’État. C’est pour cette raison que les pouvoirs publics ont été conduits à étendre la garantie d’intérêts aux dépenses faites, pour ces travaux, dans les limites de maxima qu’on augmentait quand ils étaient atteints.

Ils l’ont étendue également à une série de lignes nouvelles, ajoutées successivement aux six grands réseaux, et qui en avaient porté, peu à peu, la longueur à 23 000 kilomètres à la fin de 1875, malgré la mutilation de l’un d’eux à la suite de la guerre de 1870. Comme nous l’avons dit, une fois maîtresses des principales artères, les grandes compagnies étaient seules en situation d’exploiter avantageusement les lignes affluentes, et elles n’acceptaient naturellement la concession de ces lignes, de moins en moins productives, qu’à la condition de pouvoir en comprendre les charges dans le compte de la garantie.

Elles tenaient, d’ailleurs, à ce que cette augmentation du capital garanti ne vînt pas accroître les déficits dans une proportion qui leur eût enlevé tout espoir de jamais s’acquitter envers