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bénéficier, en tout état de cause, de l’apport de trafic dû aux voies nouvelles.

Le jour où l’entente cesserait pour les extensions nécessaires du réseau, une seule voie raisonnable resterait à l’Etat, le rachat des concessions des grandes compagnies. Mais ce rachat serait une mesure grave, et assez onéreuse ; car les clauses en sont réglées par le cahier des charges, de manière à assurer aux compagnies, d’abord un revenu égal au revenu net acquis dans les exercices antérieurs à ce rachat, puis, en outre, une véritable indemnité d’expropriation, par le paiement supplémentaire d’une somme égale à la valeur du matériel roulant. C’est seulement dans le cas où l’Etat se trouverait, par le fait des avances de garantie, créancier d’une compagnie, pour une somme au moins égale à la valeur de son matériel, que les conventions de 1859 lui donneraient le droit de reprendre possession de son réseau sans avoir à payer autre chose qu’une annuité égale au produit net antérieur au rachat ; dans ce cas, en effet, le prix du matériel se compenserait, jusqu’à due concurrence, avec la créance de l’Etat, et le rachat cesserait d’être onéreux, l’annuité à payer devant être précisément égale au revenu net en possession duquel l’État entrerait.

En garantissant ainsi aux compagnies non seulement les intérêts de leur dette, mais encore un dividende élevé, le législateur de 1859 n’entendait pas leur faire une libéralité. Ce n’était pas par une fiction que l’on attribuait à la garantie le caractère d’une avance remboursable. Sans doute, la créance de l’Etat ne devait être qu’une créance conditionnelle ; elle ne deviendrait exigible que si un jour les produits nets du réseau excédaient le revenu garanti, ou encore quand la concession expirerait ou serait rachetée, et alors, jusqu’à concurrence seulement de la valeur du matériel roulant. Mais des calculs dont l’expérience a vérifié l’exactitude, tant que la consistance des réseaux n’a pas été par trop modifiée, évaluaient la durée effective de la garantie à une vingtaine d’années, à partir de l’année 1865 où elle entrerait en vigueur[1]. Ensuite, on comptait bien que les produits nets permettraient de rembourser ces avances, puis d’accroître le dividende, et peut-être même d’arriver au partage des bénéfices, que l’Etat avait stipulé pour le cas où le dividende dépasserait un chiffre implicitement fixé, sensiblement supérieur au dividende garanti.

Ainsi les compagnies ne devaient pas cesser d’être intéressées au développement de leur trafic. Il est vrai qu’à moins d’une baisse des recettes absolument invraisemblable, les actionnaires étaient

  1. 1864 pour la compagnie de l’Est seule