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eussent traversé la crise ; d’autres y auraient succombé. Pour ces dernières, les capitaux déjà dépensés auraient été amortis en grande partie par des faillites ; des sociétés nouvelles se seraient substituées aux anciennes, soit par une transmission dans les formes résultant du droit commercial, soit à la suite de la mise en adjudication prévue par le cahier des charges, en cas de déchéance d’un concessionnaire de travaux publics. Les chemins de fer fussent restés, en France, ce qu’ils sont en Angleterre et aux Etats-Unis : une industrie subissant toutes les chances, bonnes ou mauvaises, des entreprises privées.

A tort ou à raison, le gouvernement recula devant les ruines qui allaient en résulter, devant l’ébranlement du crédit public, et le retard qu’une pareille secousse apporterait à l’achèvement du réseau, dans un pays où l’initiative privée est loin d’avoir la même hardiesse que chez les peuples anglo-saxons. Il résolut de prêter l’appui de son crédit aux compagnies, et créa de la sorte, entre elles et l’Etat, cette association que l’on n’a pas réussi à dissoudre depuis lors.

Ce qui explique cette décision, c’est que, pour tous les bons esprits, à cette époque, les difficultés que traversaient les compagnies n’étaient que momentanées. On ne doutait pas que, si leur crédit consolidé leur permettait d’attendre, elles retrouveraient un jour une situation au moins équivalente à celle qu’elles avaient avant la crise. Les conventions de 1859 eurent pour seul objet de leur donner les moyens de traverser la période de mise en valeur des nouvelles lignes, en faisant avancer par le gouvernement, chaque année, les sommes nécessaires pour payer l’intérêt et l’amortissement des emprunts, et pour donner aux actionnaires un dividende voisin de celui qui leur était acquis quand était survenue la crise. Lorsque les produits de l’exploitation atteindraient, puis dépasseraient le chiffre nécessaire pour assurer le service des emprunts et le dividende ainsi fixé, l’excédent serait d’abord affecté à rembourser à l’Etat ses avances, augmentées des intérêts à 4 pour 100 ; après quoi les compagnies retrouveraient la disposition de leurs revenus et la liberté d’accroître leurs dividendes.

Ainsi fut créée la garantie d’intérêts. Elle portait sur le capital de premier établissement, qui était fixé à forfait pour quelques lignes, tandis que pour les autres on devait inscrire en compte le montant des dépenses réelles et dûment justifiées, dans les limites de maxima fixés par les conventions. Pour calculer, chaque année, les avances nécessaires à chaque compagnie, l’État devait constater le chiffre réel du produit net de l’exploitation, en vérifiant le