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QUELQUES LETTRES D'AUTREFOIS

Lettres de la duchesse de Broglie, 1814-1838 ; 1 vol. in-18, Paris, Calmann I.évy, 1896. — Souvenirs du baron de Barante, 1782-1866 ; 5 vol. in-8, ibidem, 1895.

On parcourt une galerie de tableaux ; on s’arrête quelques instans devant les portraits des personnages fameux, princes, capitaines, politiques, acteurs en vedette qui jouèrent un rôle dans l’histoire ; soudain le regard découvre sur la cimaise une toile aux tons amortis, une figure de femme d’un charme discret ; elle a peu ou point d’histoire, elle donne à deviner le secret de sa grâce triste dans un fond de mystère ; une oubliée des grands bonheurs, sans doute : ils ne la touchèrent pas, son front ne porte point leur signe radieux ; elle intéresse par un je ne sais quoi d’intime et d’inachevé, comme les pâles plantes qui ont vécu dans les lieux d’ombre, sans connaître jamais la joie du plein soleil. On s’attarde auprès de ce cadre, il usurpe et retient l’attention qu’on apportait aux personnages notables ; quand le visiteur sort de la galerie, c’est l’image de l’inconnue qui demeure dans ses yeux et fixe son souvenir.

Nous emportions une impression toute pareille de la lecture des correspondances publiées par M. Claude de Barante dans les Souvenirs de son grand-père. Correspondances de haute marque, signées de Serre, Talleyrand, Royer-Collard, Guizot, Molé, Rémusat ; c’est imposant comme une rangée de bustes dans une antichambre de l’Institut. On allait passer avec respect ; un fin profil de femme apparaît, il se précise dans quelques billets, épars entre