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BOCCACE

II[1]

LA COMÉDIE ITALIENNE



I

Dans la comédie italienne de Boccace, un personnage tient à lui seul le grand premier rôle : c’est le Toscan de la vallée florentine, le Toscan de Florence, de Prato, de Pistoja. Par son agilité d’esprit, son élégante allégresse, sa malice, sa charmante perversité, il entraîne tous ses comparses en un tourbillon d’incidens, de fourberies, de mots plaisans et d’intrigues déplaisantes ; il est le roi de ce théâtre. Dame Jancofiore, qui était cependant courtisane et Sicilienne, dupée et dépouillée par lui, salue ainsi le génie de son vainqueur : « Chi ha a far con Tosco, non vuole esses losco. Qui a affaire à un Toscan ne doit pas être borgne. » C’était le cri de toute l’Italie.

Dans la Commedia dell’Arte, la comédie populaire et improvisée, si chère aux Italiens jusqu’au temps de Goldoni, chaque province, chaque ville a son masque traditionnel, Cassandre, Arlequin, Pantalon, Polichinelle, Stenterello, Faggiolini, des pères ridicules, des pédans imbéciles, de gais sacripans, des bourgeois ou des paysans stupides. Florence a le Florentin, qui se moque du reste de la péninsule. Son Bruno et son Buffalmaco, qui figurent çà et là au Décaméron, ne sont guère toutefois que de malins farceurs qui tourmentent un pauvre homme, le peintre Calandrino, « homme simple et de mœurs naïves », dont l’espèce devait être fort rare en Toscane. Un jour, en compagnie d’un

  1. Voyez la Revue du 1er novembre