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citoyens aux affaires, de leur apprendre à se conduire, de les intéresser à la chose publique et d’en faire des membres actifs et éclairés d’une société qui déclinerait s’ils étaient négligens, et qui périrait s’ils cessaient de s’en occuper. Satisfaire à ces deux besoins est le signe d’une bonne réforme administrative.

Le domaine dans lequel s’exerce l’autorité municipale, c’est la gestion des intérêts communs ; c’est en ce sens que peut se développer l’autonomie des communes, mais la sécurité des citoyens, la justice pénale, n’appartient qu’à l’autorité centrale et ne relève que de ses agens. Confondre ces deux domaines, c’est l’anarchie.

Le radicalisme se plaît à tout critiquer et à faire table rase. De toutes les méthodes, c’est la plus périlleuse. Au lieu de courir les aventures, il faut étudier de près le mécanisme, relever les frottemens, et se borner, s’il est possible, à rapporter des pièces de rechange. Transformer par à-coups les institutions d’un peuple, c’est une témérité qui est toujours sévèrement punie. Prenons quelques exemples de réformes partielles nécessaires.

Paris s’étend de plus en plus. Des espaces très habités demeurent sans protection et sont la proie des bandits. La juridiction de la Préfecture de police est restée la même ; il faut l’étendre jusqu’aux confins de l’agglomération parisienne et l’enlever à l’influence du Conseil municipal de Paris.

La police à Paris et à Lyon est bien faite ; ailleurs, elle appartient au maire et elle vaut ce que vaut la municipalité elle-même : sage et éclairée à Bordeaux, elle est intermittente à Toulouse, entre les mains d’un parti à Marseille ou à Roubaix. La police ne doit pas être livrée aux hasards des élections ; les citoyens, qu’ils habitent à Paris ou ailleurs, ont un droit égal à la protection des lois. Il n’est pas tolérable qu’en certaines villes les procès-verbaux dressés contre les électeurs d’un parti puissent être supprimés, que l’action du ministère public soit paralysée par les intérêts électoraux. Tous ceux qui ont vu de près l’administration de la justice dans les grandes villes demandent que la police soit enlevée aux maires. La municipalité de Lyon exerce-t-elle une influence moins considérable parce qu’elle en est déchargée ?

Les progrès ne doivent pas se borner aux institutions existantes, aux organisations qui fonctionnent : outre les réparations aux anciennes machines, il y a, autour de nous, des besoins nouveaux à satisfaire, des mécanismes à créer. Dans l’ordre du travail, quelle ne serait pas notre imprudence si nous fermions les yeux aux nécessités qui ont apparu autour de nous ? Opposons-nous sans merci au socialisme, qui veut charger l’Etat de toutes les fonctions, ne promettons au peuple aucune réforme