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socialistes et des radicaux contre le capital et la bourgeoisie ont été traduits en actes : ils ont inauguré « la propagande par le fait ». En quelques semaines, des bombes éclatèrent auprès des casernes, dans l’enceinte de la Chambre des députés, dans un restaurant, sur les marches d’une église ; enfin, le Président de la République fut assassiné, voilà ce que le parti de l’anarchie appelait des avertissemens adressés à la société.

Certes, l’occasion était belle pour les socialistes et les radicaux. La mesure était comble ; l’opinion publique, indignée, appelait de leur part un désaveu. Pas un mot ne vint, pas un chef ne se leva pour protester contre les crimes. Dans les journaux socialistes comme à la tribune des réunions publiques, tantôt on osait accuser la police de complots factices, tantôt on plaignait le« malheureux qu’avaient poussé à bout les oppressions d’une société coupable. » Lorsque le successeur de M. Carnot fut l’objet d’attaques dont la violence sans précédens faisait pressentir de nouveaux attentats, quel est l’orateur qui osa se lever pour défendre devant la cour d’assises non un accusé, mais toutes les pensées qui aboutissaient au crime ? Ce fut le porte-paroles du parti socialiste. Il n’est pas un numéro des feuilles socialistes qui ne contienne de tels appels à la haine qu’entre ces écrits et la bombe il n’y a que la distance qui sépare la pensée du geste.

Dira-t-on que les esprits se calment ? En juillet, la bombe d’Aniche, jetée sur un patron entouré du respect public, a fait justice du misérable ; la population ouvrière a exprimé son horreur contre le crime. Peu de jours après, on a appris avec stupeur qu’il existait, dans la région, des syndicats, centres du radicalisme local, qui avaient résolu de porter des couronnes sur la tombe de l’auteur de la tentative d’assassinat !

Il y a peu de semaines, les attentats contre M. de Rothschild ont montré une presse radicale, socialiste, anti-sémite, unie dans l’excitation quotidienne au crime, déversant chaque matin l’outrage et la calomnie sur les mêmes personnes, menant une campagne de haine furibonde contre les capitalistes et, le jour où ses conseils ont été suivis, où le bras qu’elle a armé, le cerveau qu’elle a enivré, ont commis le crime, insinuant à l’envi que la police a tout dirigé, que le coup a été ridiculement préparé par elle, qu’il n’en restera qu’une « bonne histoire bien propre à divertir les petits enfans pendant les longues veillées du prochain hiver ! »

Hier encore, l’attentat de Carmaux a révélé le même état d’esprit. En face d’un patron luttant de sang-froid, pour la liberté et le salut de toute l’industrie française, tout un parti s’est dressé, l’injure à la bouche, répondant au calme par des outrages sans