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glisse de là entre un jeu de rouleaux secs, en fonte, les « presses coucheuses » ; s’engage sous la « presse montante », qui tourne en sens opposé pour éviter que le papier ne prenne de l’ « envers » ; et en sort, contenant encore moitié de son poids d’eau, mais cependant à l’état de papier fini, que l’on pourrait faire sécher à l’air. Le besoin du bon marché exige des procédés plus rapides ; aussi la feuille continue-t-elle sa route sinueuse, contournant vingt-deux cylindres creux, intérieurement chauffés à la vapeur, de sorte que le premier soit simplement tiède, tandis que la température du dernier dépasse 100 degrés. Appliqué sur les parois brûlantes du métal, le papier est dépouillé de toute humidité lorsqu’il s’enroule sur l’envidoir, axe de fer mû par un engrenage à friction, qui tend fortement la nappe sans fin et l’empêche de se plisser.

Les transformations de la pâte par cet ensemble de mécanismes, qui compte mille organes variés, n’ont pas demandé plus de quelques secondes ; surtout s’il s’agit de papier mince, avec lequel, l’évaporation étant très rapide, on peut accélérer le mouvement. Pour le papier-journal, on marche à la vitesse de 70 mètres par minute. Une heure suffit pour obtenir ces énormes rouleaux dont la longueur atteint jusqu’à 5 000 mètres, que les presses rotatives de Marinoni se chargeront de noircir. L’opération s’accomplit toute seule. Un unique ouvrier y assiste, accoudé contre un bâti ; il se penche parfois sur un cylindre, examine le papier, serre un écrou, verse un peu d’huile, puis rentre dans son immobilité, type expressif du travail moderne.

De pareilles machines produisent 12 000 kilos par vingt-quatre heures, — on en a construit qui atteignent 18 000 kilos ; — leur grandeur, leur vitesse, tendent à augmenter sans cesse ; chaque quinzaine les gazettes spéciales enregistrent des tentatives nouvelles de perfectionnement. Le matériel est donc sujet à se modifier constamment. Depuis vingt-cinq ans, dans les grandes papeteries, il a été renouvelé en totalité, jusqu’à la plus minime parcelle. Le lecteur se rappelle peut-être que nous avons constaté le même fait en métallurgie. Le stock de marchandises offertes s’accroît pareillement. Lorsque les appareils primitifs rendaient 400 kilos par jour, les fabricans acceptaient des commandes de 100 kilos. Aujourd’hui la tonne devient l’unité, et les ordres de 60 à 80 tonnes d’une même sorte ne sont pas rares. Les usines, dans ces conditions, ont avantage à se spécialiser.

C’est pour avoir deviné cette orientation de leur industrie que les Montgolfier, à la Haye-Descartes, avec le papier écolier, les Outhenin-Chalandre, à Besançon, avec l’alfa, pour publications