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hypermétamorphoses. Notre naturaliste a fourni la preuve que les cantharides sans exception étaient soumises à la loi générale ; leur évolution s’effectue seulement avec un temps d’arrêt pendant lequel elles s’enkystent comme le font nombre d’insectes.

Dans l’être enkysté, le développement s’arrête, la vie demeure latente, jusqu’à ce que les milieux extérieurs redeviennent, favorables, et l’évolution normale s’achève alors sans discontinuité. Les cantharides à une époque de leur existence tombent dans un sommeil léthargique, et abritées sous une ou plusieurs peaux de larve qu’elles n’ont pas rejetées par la mue, elles traversent parfois plusieurs étés et plusieurs hivers, passant, suivant l’expression de l’auteur, par l’état d’hypnodie, sans que les tissus se modifient ; puis, sous d’heureuses influences, ces tissus reprennent leur activité et se transforment rapidement en nymphe et en insecte adulte à la façon de tous les coléoptères.

Le phénomène de l’hypermétamorphose n’existe donc pas : ainsi tombe la légende accréditée depuis quarante ans. La science, elle aussi, passe par des périodes de repos suivies de rapides transformations. Les opinions se modifient, et la vérité d’hier devient erreur aujourd’hui.

Dans les coques ovigères des sauterelles, le naturaliste a trouvé des larves qui devaient donner naissance ; à d’autres insectes destructeurs, les bombylides. Ce sont ces parasites qui jouent le rôle le plus important dans la mortalité des acridiens à évolution lente ; dans beaucoup de gisemens, leurs larves ont débarrassé de leurs œufs 15, 20, 30, 50 et jusqu’à 80 pour 100 des coques ovigères. Il ressort d’observations méthodiques ce fait important, c’est que la proportion des parasites est bien plus considérable dans les gisemens situés dans le Tell (38 pour 100 en moyenne) que dans ceux des Hauts-Plateaux (8 pour 100). Cela permet de comprendre pourquoi le Tell est la région temporaire de séjour des stauronotes marocains ; pourquoi, au contraire, les Hauts-Plateaux sont la région permanente d’habitat de ces sauterelles.

Ce sont les Anthrax fenestrata du groupe des bombylides qui vivent ainsi aux dépens des acridiens. La nature les a douées d’une armature faite de pointes et d’épines qui donnent à l’animal toute facilité pour triompher des obstacles qui s’opposent à sa sortie des coques ovigères.

Voici la façon singulière, mais toute naturelle dont opère la nymphe de l’Anthrax fenestrata lorsqu’elle s’est transformée dans une coque à œufs de sauterelle. Le moment venu, secondée par les soies qu’elle porte sur les côtés du corps, elle grimpe le long des parois à la façon d’un ramoneur ; lorsque sa tête vient