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moment même où notre colonie voyait se renouveler les horreurs de 1867, une circonstance providentielle l’avait conduit en Algérie. Chargé par le ministre de l’Instruction publique et mis par le gouvernement à la tête d’un service d’étude et de destruction des acridiens migrateurs, il se consacra tout entier à cette tâche. Si, aujourd’hui, nos colons, au lieu d’attendre l’invasion de l’insecte rongeur, savent comment la prévenir, c’est à lui, en très grande partie, qu’ils le doivent.

Très nombreux cependant sont les naturalistes qui ont étudié les acridiens. Un petit animal aussi malfaisant qu’une épidémie mortelle, était en effet bien digne d’attirer sur lui l’attention des spécialistes. Plus de cinq cents notes et mémoires peuvent être consultés à ce sujet. Ils n’ont appris que peu de choses avant les travaux des naturalistes américains et russes, et c’est le cas de leur appliquer l’adage : Much ado about nothing.

Aux États-Unis d’Amérique, c’est M. Riley qui, à la suite de ravages causés par d’immenses bandes de sauterelles à l’ouest du Mississipi et sur le versant californien, a dénoncé, comme la plus nuisible, l’espèce Caloptenus spretus (Thomas). Elle a son développement normal dans les Montagnes Rocheuses où elle se trouve en permanence. De là, il lui arrive parfois d’envahir les régions environnantes, et même de se répandre sur une très grande zone, aussi bien sur le versant de l’Atlantique que sur celui du Pacifique.

La Russie méridionale, les provinces Danubiennes, la Hongrie, sont aussi périodiquement dévastées par des bandes considérables appartenant à une espèce connue sous le nom de Pachytylus migratorius (Linné). M. Krassiltschik, de l’Université d’Odessa, a clairement démontré que les Rouches du Danube et celles de Koubani, tous les deux affluens de la mer Noire, sont les foyers permanens de multiplication de la sauterelle Pachytylus migratorius.

L’île de Chypre a été très souvent aussi ravagée par le Stauronotus Maroccanus, celui que nous ne retrouverons que trop dans les champs algériens. Son foyer permanent est dans les montagnes de l’île même. Un ingénieur anglais, M. Samuel Brown, a eu le mérite de maintenir les Cypriotes dans leurs foyers en les délivrant par un heureux procédé, dont il n’était pas l’inventeur, du fléau qui, annuellement détruisait les récoltes, et qui eût fini par leur faire abandonner leur propre pays.

Les sauterelles dévastatrices des années de 1881 à 1888 n’étaient pas les mêmes que celles qui avaient causé les ravages de 1866, 1874, 1875 et 1877. Ces dernières étaient de l’espèce appelée Acridium peregrinum (Olivier) tandis que les premières