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3° Les réunir en tas et les brûler ;

4° Les jeter dans les fosses et les couvrir de terre. En dépit de ces mesures reconnues par la suite inefficaces, Blidah fut ravagé, et, le 20 avril, le maire d’Alger, M. Sarlande, signalait, à son tour, l’arrivée de l’ennemi dans les localités environnantes.

Débouchant par les gorges des montagnes et par les vallées dans les plaines fertiles du littoral, les sauterelles s’étaient d’abord abattues sur la plaine de la Mitidja et sur le Sahel d’Alger. « Leur masse, dit un témoin oculaire, intercepta la lumière du soleil et ressemblait à ces tourbillons de neige qui, pendant les tempêtes d’hiver, dans les campagnes d’Europe, dérobent aux regards les objets les plus rapprochés. » La récolte était prochaine, et la végétation, luxuriante, offrait un riche appât à leur voracité. Bientôt les colzas, les avoines, les orges, les blés tardifs, les plantes maraîchères furent détruits ; sur certains points, les sauterelles pénétrèrent jusque dans l’intérieur des habitations. Presque en même temps, les provinces d’Oran et de Constantine furent envahies. A Tlemcen, où les acridiens n’avaient point encore paru, le sol en fut jonché. A Sidi-bel-Abbès, à Sidi-Brahim, à Mostaganem, ils attaquent les tabacs, les vignes, les figuiers et les oliviers, malgré leur feuillage amer ; à Relizane, à l’Habra, ils envahissent les cultures cotonnières. La route de 80 kilomètres qui relie Mostaganem à Mascara en est couverte sur tout son parcours. Dans la province de Constantine, le fléau apparaît presque simultanément du Sahara à la mer et depuis Bougie jusqu’à la Calle. A Batna, à Sétif, à Constantine, à Guelma, à Bône, à Philippeville, à Djijelli, les populations luttent avec énergie ; mais ni le feu, ni les obstacles opposés à sa marche ne peuvent empêcher des désastres qui frappent principalement les exploitations européennes.

En cet instant de crise suprême, le maréchal de Mac-Mahon était gouverneur de l’Algérie. Par ses ordres, l’armée se joint aux colons pour combattre l’ennemi ; les indigènes que la faim talonne, se sentant exposés à une mort horrible, rejettent enfin leurs croyances en une fatalité inéluctable. Ils se lèvent et résolument apportent leur concours.

Après quelques jours de lutte fort vive, on constata que des quantités immenses de sauterelles avaient été détruites ; mais, hélas ! que pouvaient les efforts humains contre ces multitudes qui fuyaient dans l’espace et ne quittaient un champ que pour aller en dévaster un autre. Il n’était pas possible d’empêcher la fécondation et la ponte, donnant promptement naissance à des larves innombrables, et les premiers essaims furent bientôt