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LES
INVASIONS DES SAUTERELLES

C’est un triste vocable que celui d’invasion ; il sonne toujours d’une façon lugubre à l’oreille, même lorsqu’il s’applique à ces fléaux qui s’abattent sur la terre pour y causer d’effroyables famines et au premier rang desquels il faut placer les invasions de sauterelles.

Notre Algérie en a cruellement souffert. Plus d’une fois les acridiens des liants Plateaux y ont engagé contre l’agriculture une lutte violente. Duel terrible où l’homme fut souvent vaincu ! On a vu des soldats illustres, Bugeaud, Mac-Mahon, Chanzy, Ladmirault et d’autres, en proie à de grandes angoisses lorsqu’il leur a fallu défendre le territoire qui leur était confié contre un ennemi plus insaisissable, plus difficile à réduire qu’une armée arabe.

Ainsi qu’on l’a dit quelque temps après que l’Algérie eut eu à supporter la plus affreuse des disettes, et que l’on eut vu, dans un appel suprême à la solidarité publique, les prêtres du Christ s’unir aux serviteurs d’Allah, ce combat entre l’homme et l’insecte eut par momens un caractère de grandeur qui impressionna et frappa l’imagination tout en imposant à l’homme de science, plus qu’à tout autre, réflexion et méditation.

C’est qu’en effet c’était au naturaliste qu’incombait le devoir de pénétrer le mystère qui entoure l’apparition des vols envahisseurs, de déterminer les lois qui président à leur organisation, à leurs déplacemens, puis à leur disparition soudaine ; c’est à lui que revenait le soin d’observer toutes les particularités de l’existence des sauterelles afin de savoir à quel moment il serait avantageux de les combattre, de rechercher les causes naturelles