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primes d’un paiement immédiat, on trouvera trois ou quatre fois plus de volontaires qu’il n’est nécessaire.

On agite souvent aussi la question de savoir à quel ministère devra être rattachée cette armée coloniale. Nous répondons, quant à nous, sans hésiter, que c’est au ministère de la marine ; mais il serait trop long d’en exposer ici les raisons.


IV

Nous venons d’exposer le moyen de garder, au besoin même d’étendre ou de consolider, en ce qui concerne le Soudan et l’Afrique occidentale, nos colonies ; il convient, d’autre part, de les mettre en exploitation ; quelle est la méthode à suivre à ce sujet ?

Ces colonies sont de nature très différente : il y a les contrées proches de nous et où les travaux préparatoires sont déjà assez avancés, comme l’Algérie et la Tunisie ; on y peut joindre encore le Sénégal, Soudan non compris, et nos établissemens de l’Afrique occidentale dans leur partie côtière. Il suffit d’avoir dans ces régions un régime administratif libéral et souple, une gestion économe, d’y procurer la sécurité, d’y faire sans exagération quelques travaux publics, en recourant particulièrement aux ressources locales, pour que la colonisation, ou du moins l’exploitation, s’y développe. Les capitaux s’y porteront, pour peu que l’on soit bienveillant, c’est-à-dire équitable à leur endroit, et que l’on ne change pas, sans cesse, de méthode administrative.

Le premier devoir qui s’impose à la nation colonisatrice c’est une très stricte fidélité à ses engagemens ; nous craignons fort que, depuis quelques années surtout, les pouvoirs publics n’aient un peu dégénéré à ce sujet. Nous avons différens indices récens, en ce qui concerne l’Algérie, par exemple, et la côte d’Ivoire, d’une tendance de l’Etat à s’affranchir du respect des contrats qu’il a passés avec les particuliers. Les chemins de fer algériens fournissent une première preuve de cette disposition fâcheuse : l’Etat a fait exécuter les chemins de fer algériens, depuis 1871, sous un régime de garanties d’intérêts établies d’après des forfaits de construction et des forfaits d’exploitation. Il s’est trouvé à la longue que ce système, surtout en ce qui concerne les forfaits d’exploitation, a été démontré offrir de graves inconvéniens ; les compagnies n’avaient aucun intérêt parfois à accroître le trafic ; il se pourrait même qu’elles en eussent eu à l’écarter. Au lieu de négocier avec ces sociétés pour obtenir d’elles quelques remaniemens à des clauses anormales, — et l’on serait facilement arrivé à