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avons des académies, mais il y a un siècle qu’elles ont été réunies en un faisceau qui porte le nom d’Institut de France. Cette création unique au monde correspond à cette idée si juste, que l’esprit humain est un sous ses manifestations multiples, et que les lettres, les sciences, les arts, se prêtent un mutuel appui lorsqu’ils se rapprochent dans une synthèse où ils trouvent plus de force, de profondeur et d’éclat. De toutes les institutions issues de la Révolution française, il n’en est aucune qui ait, si on nous permet le mot, aussi bien réussi que l’Institut, ni qui ait rendu de plus grands services. Célébrer son centenaire était chose naturelle et presque nécessaire. Il y avait là, pour l’Institut, une occasion précieuse d’appeler à lui, en un jour de solidarité universelle, ses associés étrangers et les correspondans qu’il a en province et dans le monde entier. La plupart ont répondu à cet appel, et jamais peut-être Paris n’avait réuni un aussi grand nombre d’hommes distingués ou éminens dans les genres les plus divers. Il en est venu d’Angleterre, il en est venu d’Allemagne, il en est venu d’Italie, il en est venu de partout. Un même sentiment les animait, l’amour du vrai et du beau, et la sympathie que la France inspire et qu’elle mérite pour les initiatives intelligentes prises par elle et pour les succès qu’elle a remportés au profit de tous.

Cette fête de l’esprit humain a eu, dans sa simplicité, un véritable caractère de grandeur. Elle a duré plusieurs jours, elle a traversé plusieurs phases, mais c’est peut-être dans la réunion de la Sorbonne qu’elle a revêtu le caractère le plus élevé. M. le Président de la République, entouré du Corps diplomatique, avait tenu à y assister. Une foule brillante se pressait dans l’amphithéâtre au-delà duquel l’admirable fresque de M. Puvis de Chavannes semble découvrir sous un ciel éclatant un horizon infini. M. Gréard, vice-recteur de Paris, avait tout organisé avec un tact parfait. M. Ambroise Thomas, qui est cette année président de l’Institut, a ouvert la séance par un discours éloquent et sobre ; puis il a donné la parole à M. Jules Simon, et quel autre mieux que celui-ci pouvait, en traits larges et fermes, raconter l’histoire de l’Institut, remonter à ses origines, faire assister à sa création, rappeler tout ce que nous lui avons dû depuis cent ans ? Son discours survivra à la circonstance qui l’a provoqué. Ce siècle qui s’achève y trouvera l’énumération de ses gloires les plus pures et de ses travaux les plus féconds ; il y a là comme un testament à l’adresse de la postérité, si on peut donner le nom de testament à ce qui est pardessus tout une œuvre de vie. Il était difficile de succéder à M. Jules Simon ; M. le ministre de l’instruction publique a montré de nouveau, dans cette épreuve, la souplesse et la vigueur de talent qu’on avait admirées déjà aux obsèques de Pasteur. Il a dit à son tour ce qu’il y avait à dire sur l’inspiration d’où est sorti l’Institut, sur l’étroite intimité de toutes les manifestations de l’intelligence humaine, sur le sur-