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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



31 octobre.


Les Chambres se sont réunies le 22 octobre, et le ministère a été renversé le 28. Cela n’a pas été long, comme on voit. Personne ne s’attendait à un dénouement aussi rapide : on croyait généralement que le ministère rencontrerait les premières difficultés réelles dans la discussion du budget, mais qu’il traverserait sans beaucoup de peine le fouillis d’interpellations dont on avait embarrassé ses premiers pas. Il y en avait une quarantaine, et, dans le nombre, beaucoup paraissaient plus sérieuses et plus dangereuses que celle de M. Rouanet. M. Rouanet interpellait sur les chemins de fer du Sud de la France, triste affaire, mais en somme assez vulgaire. On aurait compris, sans l’excuser, que le gouvernement fût renversé sur la grève de Carmaux, et, malgré le succès final de l’expédition malgache, beaucoup de ses adversaires l’attendaient aussi sur ce terrain. Les fautes initiales qui ont été commises à Madagascar avaient produit dans le pays tout entier une émotion très vive, et la nouvelle du traité de Tananarive ne l’avait pas complètement dissipée. Nous connaissons ce traité aujourd’hui ; il est excellent ; mais on a créé artificiellement dans les esprits une telle confusion au sujet des avantages ou des désavantages respectifs de l’annexion et du protectorat, que l’opinion est restée incertaine et qu’un débat approfondi était nécessaire pour l’éclairer et la fixer. Si le gouvernement avait sombré à propos de l’expédition de Madagascar, ou même du traité de Tananarive, encore une fois nous l’aurions déploré, mais le sujet en aurait valu la peine. Mais l’interpellation sur Madagascar n’a pas eu le temps de se produire, et le gouvernement a traversé victorieusement celle de M. Jaurès sur la grève de Carmaux. Après trois jours de discussion, où beaucoup d’éloquence a été dépensée, où beaucoup de passions se sont déchaînées, il est resté maître du terrain. Qui aurait pu croire qu’il s’écroulerait le lendemain sur une interpellation où les assaillans n’ont montré ni éloquence, ni même de passion, et qui paraissait devoir aboutir à l’ordre du jour pur et simple ? S’il est tombé, c’est évidemment qu’il était peu solide, soit qu’il eût été plus ébranlé encore qu’on ne le croyait par le travail qui s’était fait dans les esprits pendant les vacances, soit que l’assiette parlementaire sur laquelle il