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D’autres guettent l’essor des humbles cœurs dans l’ombre,
La Charité sauvant l’Espérance qui sombre,
Les belles actions sans éclat pour les yeux ;
Ils poursuivent le Beau jusqu’à sa source même,
Dans la vie atteignant sa dignité suprême,
Dans le mieux aspirant à l’infmiment mieux !

Ô France ! ils ont, ceux-là, pour mission première
D’allier, confondus dans la même lumière,
Les noms les plus fameux, les plus saints, les plus chers.
Leur compagnie illustre a la garde sacrée
De tes gloires qui sont tes droits à la durée,
Tes titres au respect, plus grands que tes revers.

Ils sont gardiens aussi de ta langue immortelle ;
Ils en ont la prudente et flexible tutelle.
Ton passé d’âge en âge y fermente et mûrit ;
Mais ils ne souffrent pas que le caprice altère
Ce dépôt qui détient ta verve héréditaire
Où la vertu des mots fait scintiller l’esprit.

Cette langue est loyale et l’univers l’honore :
Sans rivale naguère elle illumine encore
Les débats solennels entre les nations.
Son cristal transparent fait les pactes honnêtes ;
Elle a du jour vainqueur propagé les conquêtes :
Tout penser qu’on y verse est vêtu de rayons !

C’est ainsi que toute œuvre excellemment humaine,
Par où l’âme décore ou grandit son domaine,
Toute œuvre auguste, ayant sur l’avenir des droits,
Trouve en ces créateurs des maîtres et des juges,
Chez eux contre l’oubli le meilleur des refuges,
Une cité sans roi, qui s’ouvre aux fils des rois !

Généreuse cité, pour soi seule économe !
Ils prodiguent un or qu’on recherche et renomme,
Pluie utile au laurier déjà mûr ou naissant.
Des deniers de la gloire ils n’ont que la gérance :
Les palais qu’on leur lègue enrichissent la France,
C’est dans leur cœur le sien qui bat reconnaissant.