êtres jeunes et vigoureux, où il entre un peu de violence et de folie. Le drame actuel est né de parens âgés, dans un temps ennuyeux et triste. L’enfant est délicat et demande des soins. Tout de même il a les traits de ceux qui l’ont jeté dans la vie. Une race de héros qui sont aussi des pirates, une race poétique et commerçante, qui méprise la mort et aime l’argent, qui entremêle la passion et le calcul, le rêve et l’action, qui a fait la charge de Balaklava et la ralle des actions de Suez, ne peut trouver son expression littéraire ni dans l’idéalisme pur, ni dans le réalisme sans mélange. La « tranche saignante de vie » n’éveille en elle aucun appétit, « l’art pour l’art » la laisse merveilleusement indifférente. Elle est, d’ailleurs, rassasiée de moralité. Elle traverse une heure de torpeur sensuelle qui n’est pas sans charme, étonnée et comme hésitante devant la fatigue d’une société à refaire, d’une civilisation à rebâtir. Elle veut et ne peut oublier ces problèmes, ce terrible lendemain dont nous sommes partout menacés. C’est pourquoi son sensualisme est tempéré, affiné, attristé de philosophie. Et dans cette situation, ce qu’elle demande au drame, ce n’est ni de l’amuser, ni de la passionner, mais de la faire songer.
AUGUSTIN FILON.