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funéraires qu’a fait découvrir l’exploration méthodique du sol de la Grèce, le modèle que semblent avoir eu sous les yeux les auteurs de l’Iliade et de l’Odyssée n’est donc représenté que par un très petit nombre d’exemplaires. On ne peut guère le reconnaître que dans les tertres qui se dressent encore sur plusieurs points de la plaine de Troie.

Schliemann a sondé tous ces tumulus, ainsi que celui auquel était attaché, dans la Chersonèse de Thrace, près de la ville d’Elæous, le nom de Protésilas. Il n’y a rien trouvé, ni chambres souterraines, ni débris humains, ni traces de cendres ou d’ossemens. On pourrait presque douter que ce soient là les tumulus auxquels Homère fait allusion, si l’on n’avait les tessons qui ont été ramassés, en grand nombre, dans le remblai. Parmi ces fragmens, on distingue diverses espèces de poteries ; mais toutes ces espèces sont de celles qui précèdent de loin l’âge classique, qui ne peuvent guère être postérieures au IXe siècle.

Nulle part ailleurs qu’en Troade on n’a découvert de tumulus semblables à ceux que décrit le poète, et, d’autre part, là où des tombes ont été rencontrées que l’on est en droit d’attribuer à la période qui suit l’invasion dorienne, le type auquel ces tombes se rattachent, par l’ensemble de leurs dispositions, n’est pas celui que nous avons défini d’après l’Iliade ; c’est bien plutôt, avec quelques différences toutes secondaires, celui de l’époque précédente, de l’âge mycénien, comme on le constate en étudiant les nécropoles attiques, où beaucoup de ; tombes ont été ouvertes sous les yeux d’observateurs attentifs et compétens. Les plus anciennes de ces sépultures sont celles de générations qui, par la date où elles ont vécu, ne peuvent être très éloignées de ces Homérides ioniens dans les récits desquels il n’est question que du rite de l’incinération et de l’érection du tumulus.

Or, et c’est ce que l’on ne constate pas sans surprise, si, vers ce temps, le rite de la crémation n’est pas inconnu dans la Grèce continentale, il n’y est pratiqué que par exception. A Athènes, sur les dix-neuf tombes du Dipylon (c’était le nom de la porte qui séparait le Céramique intérieur du Céramique extérieur et autour de laquelle s’est créé un vaste cimetière) qui ont été fouillées en 1891, il n’y en avait qu’une où eût été sûrement enseveli un mort incinéré ; dans toutes les autres on a trouvé ou des squelettes entiers ou des ossemens que la flamme n’avait pas calcinés.

Comme les tombes découvertes par Schliemann, à Mycènes, dans l’enclos funéraire voisin de la Porte aux lions, ta tombe du Dipylon est une fosse pratiquée en terre et parfois maçonnée en pierres sèches, que recouvraient soit des dalles de pierre, soit