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un bûcher qu’attise le vent, mais dans le fond d’un trou. D’ailleurs, au témoignage d’observateurs non prévenus et plus sûrs, ce que suppose l’état dans lequel ont été découverts plusieurs des corps, c’est un essai d’embaumement. Le mort dans lequel Schliemann, ivre d’enthousiasme, avait voulu tout d’abord reconnaître Agamemnon, à sa haute taille et à ses trente-deux dents, était presque momifié. Ce qui a contribué à induire Schliemann en erreur, c’est que les fosses renfermaient des cendres et des ossemens calcinés ; mais ces ossemens, un examen attentif a permis de le constater, étaient ceux des brebis, des chèvres et des porcs qui avaient été immolés sur la tombe ; ces cendres étaient celles du bois qui avait servi à cuire la chair des victimes.

Partout ailleurs, où, depuis lors, on a ouvert des tombes de cette même époque, on est arrivé au même résultat. Dans certaines îles, à Antiparos et à Amorgos, les cadavres ont été introduits comme de force, les membres repliés sur le tronc, dans des fosses étroites et courtes, recouvertes d’une simple dalle. A Ialysos, dans l’île de Rhodes, il y a de petits caveaux, où le mort était déjà moins à la gêne et doté d’un plus ample mobilier. La tombe de la Grèce propre a pris un tout autre développement. Dans l’intérieur de la citadelle, à Mycènes, là où se trouvent les plus anciennes sépultures, c’est une fosse large et profonde, à lit de sable, à parois formées d’une maçonnerie de petites pierres, à plafond de bois. A Nauplie, dans l’énorme rocher qui domine la ville, il y a, en maints endroits, plusieurs chambres à la suite l’une de l’autre, reliées par d’étroits passages : c’est comme une sorte de catacombe. A Mycènes, dans la ville basse, on a dégagé de grandes pièces, creusées à même le tuf calcaire, qui devaient être, vu leurs dimensions, des sépultures de famille ; chacune d’elles est précédée d’un couloir d’accès, qui était muré après l’ensevelissement. La forme la plus avancée de cette architecture funéraire c’est la tombe à coupole, type dont les exemplaires, nombreux surtout en Argolide, se sont rencontrés, épars sur une grande étendue de terrain, de la Laconie à la Béotie et même à la Thessalie. Les chefs-d’œuvre de ce type sont les monumens que l’antiquité admirait déjà sous les noms de Trésor d’Atrée et de Trésor de Minyas, à Mycènes et à Orchomène. Au moyen d’appliques de bronze ou d’un placage de pierre multicolore, on y avait donné, à la façade et à l’intérieur du caveau, une décoration qui avait sa richesse et sa beauté. D’autres coupoles étaient d’une construction bien moins soignée et de dimensions plus restreintes. Mais, partout, le mort, couché soit dans un caveau latéral, soit dans une salle spacieuse, sous la rondeur du dôme,